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« Et mets-toi bien dans la cervelle, dit le Matois en entendant le juif ouvrir la porte, que si tu n’escamotes pas des toquantes

— À quoi bon lui parler ainsi ? remarqua maître Bates ; il ne comprend seulement pas ce que cela veut dire.

— Si tu n’escamotes pas des montres et des foulards, reprit le Matois en se servant d’expressions à la portée d’Olivier, d’autres le feront ; tant pis pour ceux qui se les laissent prendre, et tant pis pour toi aussi ; il n’en revient pas un sou de plus à personne, excepté à celui qui met la main dessus ; et tu as autant de droit que celui-là à t’en emparer.

— Sans doute, sans doute, dit le juif qui était entré sans qu’Olivier l’aperçût ; c’est tout simple, mon ami, tu peux en croire le Matois sur parole ; ah ! ah ! en voilà un qui entend à merveille le catéchisme de sa profession ! »

Tout en donnant ainsi son assentiment aux beaux raisonnements du Matois, le vieux juif se frottait les mains d’un air de satisfaction, et s’applaudissait des talents de son élève.

La conversation en resta là, car le Juif était rentré en compagnie de miss Betty et d’un monsieur qu’Olivier n’avait pas encore vu, mais que le Matois salua du nom de Tom Chitling.

M. Chitling était plus âgé que le Matois et comptait environ dix-huit printemps ; mais il avait, à l’égard de son jeune confrère, un ton de déférence qui semblait indiquer qu’il se reconnaissait un peu inférieur à lui en génie et en habileté dans l’exercice de sa profession. Il avait de petits yeux qu’il clignait sans cesse, et la figure gravée de petite vérole. Une casquette de loutre, une veste de gros drap brun, un méchant pantalon de futaine et un tablier, composaient tout son costume ; à dire vrai, sa garde-robe n’était plus présentable ; mais il s’excusa près de la compagnie en disant qu’il avait fini son temps depuis une heure à peine, et qu’ayant toujours porté le costume réglementaire, depuis six semaines, il n’avait pas eu le loisir de s’occuper de ses effets. M. Chitling ajouta, d’un ton très courroucé, qu’on avait adopté là-bas un nouveau système de fumigation pour les vêtements, système infernal et inconstitutionnel, qui les brûlait sans qu’on eût aucun recours contre une telle injustice ; il s’éleva aussi avec force contre l’usage adopté de couper les cheveux des gens, et déclara cette mesure absolument illégale ; enfin il termina ses