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— Bas une âme, répondit Barney, dont les paroles, qu’elles vinssent du cœur ou non, sortaient invariablement par le nez.

— Personne ? demanda Fagin d’un ton de surprise, qui signifiait peut-être que Barney pouvait dire la vérité sans crainte.

— Bersonne que badeboisselle Dadsy, répondit Barney.

— Nancy ! s’écria Sikes ; où est-elle ? Que la peste m’étouffe, si je n’honore cette fille pour ses dispositions naturelles !

— Elle s’est fait servir une assiette de bœuf bouilli sur le comptoir, ajouta Barney.

— Faites-la venir, dit Sikes en versant un verre de liqueur ; faites-la venir. »

Barney regarda timidement Fagin, comme pour lui demander son autorisation. Voyant que le juif ne disait mot et ne cessait pas d’avoir les yeux fixés à terre, il sortit et rentra presque aussitôt en introduisant Nancy, vêtue en cuisinière, avec un bonnet, un tablier, un panier, et une grosse clef à la main.

« Tu es sur la trace, n’est-ce pas, Nancy ? demanda Sikes en lui offrant un verre.

— Oui, Guillaume, répondit la jeune dame en vidant le contenu, j’y suis, et assez fatiguée comme ça : le petit drôle a été malade et a gardé le lit, et…

— Ah ! Nancy, ma chère ! » dit Fagin en levant les yeux.

Peut-être le juif, en contractant ses sourcils roux et en fermant à demi ses yeux profondément encaissés dans leur orbite, donna-t-il à entendre à miss Nancy qu’elle était trop en veine de confidences ; ce détail importe peu. Le fait est qu’elle s’arrêta court dans ses explications, et qu’après avoir adressé à M. Sikes plusieurs gracieux sourires, elle changea de conversation. Après dix minutes environ, M. Fagin fut pris d’une quinte de toux ; sur quoi Nancy mit son châle, et déclara qu’il était temps de s’en aller. M. Sikes observa qu’il avait à faire un bout de chemin dans la même direction qu’elle, et manifesta l’intention de l’accompagner. Ils s’en allèrent ensemble, suivis à peu de distance par le chien, qui sortit d’une cour voisine sitôt que son maître fut hors de vue.

Le juif passa la tête hors de la porte au moment où Sikes venait de quitter la salle : il le suivit des yeux tandis qu’il franchissait l’obscur passage, le menaçant du poing, et murmurant d’horribles imprécations ; puis, avec un affreux rire, il revint prendre place devant la table, où il se plongea dans l’intéressante lecture du Journal des Tribunaux.

Pendant ce temps Olivier Twist, qui ne se doutait pas qu’il