Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.

petit verre du même liquide. Après cela, M. et Mme Squeers s’approchèrent du feu, et, les pieds étendus sur les chenets, se chuchotèrent quelques secrets à l’oreille, pendant que Nicolas, prenant le manuel du professeur, lisait les légendes intéressantes réunies dans le chapitre des mélanges, et regardait les images par-dessus le marché, sans savoir plus ce qu’il faisait que s’il avait été plongé dans un sommeil magnétique.

M. Squeers, à la fin, poussa d’horribles bâillements, et fut d’avis qu’il était grand temps d’aller se coucher : à ce signal, Mme Squeers et sa servante tirèrent dans la chambre une petite paillasse et une couple de couvertures, et en firent un lit pour Nicolas.

« Demain, dit Squeers, nous vous mettrons, monsieur Nickleby, dans une véritable chambre à coucher. Voyons ! Qu’est-ce qui couche dans le lit de Brooks, ma chère amie ?

— Le lit de Brooks ? dit Mme Squeers réfléchissant. Il y a d’abord Jennings, puis le petit Bolder, Graymarsh, et… comment donc s’appelle l’autre ?

— Oui, je sais, reprit Squeers ; ainsi Brooks est complet.

— Complet ! disait en lui-même Nicolas ; je crois bien.

— Il y a une place quelque part, tout ce que je sais, dit Squeers, mais je ne puis pas me rappeler où pour le moment. N’importe, tout cela s’arrangera demain. Bonsoir, Nickleby. Demain, à sept heures du matin ; n’y manquez pas.

— Je serai prêt, monsieur, répliqua Nicolas. Bonsoir.

— Je viendrai vous montrer moi-même où est le puits, dit Squeers : quant au savon, vous en trouverez toujours un morceau dans l’embrasure de la fenêtre de la cuisine ; celui-là est pour vous. »

Nicolas ouvrit les yeux et ferma la bouche, et Squeers s’en alla, mais il revint encore sur ses pas.

« Je ne sais en vérité pas où trouver à vous donner une serviette pour votre toilette, mais vous trouverez toujours bien quelque chose demain matin. Mme Squeers arrangera tout cela dans le courant de la journée. Ne l’oubliez pas, ma chère.

— C’est bon, c’est bon, on y pensera, répliqua Mme Squeers, et vous, jeune homme, pensez aussi à être là de bonne heure pour vous laver le premier : c’est un droit du maître, mais ils ne manquent pas de s’en faire du bien, quand ils peuvent. »

Alors M. Squeers fit un signe à Mme Squeers d’emporter la bouteille d’eau-de-vie, de peur que Nicolas ne lui dît deux mots pendant la nuit, et la dame, la saisissant avec ardeur, se retira en même temps que son mari.