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se trouvent réunies d’une manière imprévue, on devrait, selon moi, contribuer autant que l’on peut à l’agrément général du petit cercle impromptu !

— Plût à Dieu, dit la tête grise, que votre maxime fût toujours mise en pratique !

— J’aime à vous entendre parler ainsi, reprit l’autre. Eh bien ! si vous ne pouvez pas chanter, vous pouvez toujours bien nous conter une histoire, peut-être ?

— Bon ! j’allais vous le demander à vous-même.

— Volontiers, mais après vous.

— Allons ! dit la tête grise prenant gaiement son parti, je le veux bien. Je crains seulement que la tournure de mes idées ne soit pas propre à égayer beaucoup les heures que vous avez à passer ici. Mais ce sera votre faute, vous l’avez exigé, vous en porterez la peine. Puisque nous passions tout à l’heure de la cathédrale d’York, elle sera pour quelque chose dans le sujet de mon histoire que nous intitulerons, s’il vous plaît :

LES CINQ SŒURS D’YORK.

La complaisance du gentleman fut accueillie par tous les voyageurs avec un murmure d’approbation dont la dame aux embarras profita pour boire incognito pendant ce temps-là un bon verre de punch. « Écoutez bien :

« Il y a longtemps, bien longtemps, — car le XVe siècle n’avait pas alors plus de deux ans, et le roi Henri IV était sur le trône d’Angleterre, — habitaient dans la vieille cité d’York cinq jeunes filles, cinq sœurs, les héroïnes de mon conte.

« Elles étaient toutes les cinq d’une beauté rare. L’aînée pouvait avoir vingt-quatre ans, la seconde un an de moins, la troisième était plus jeune d’un an que la seconde : même distance entre la quatrième et la troisième. Elles étaient grandes de taille, d’un port noble et élégant, des yeux de flamme, une chevelure de jais. Pas un mouvement qui ne respirât la grâce et la dignité : il n’était bruit que de leurs attraits dans tout le pays à la ronde.

« Mais si les quatre aînées avaient tant de charmes, combien ils étaient surpassés par la splendeur de la sœur cadette, une jeune beauté de seize ans ! Ces teintes vermeilles qui dorent les fruits nouveaux comme d’une fleur veloutée, ou bien encore les couleurs vives d’un parterre printanier, ne sont pas plus exquises que l’heureux mélange des roses et des lis sur sa charmante