Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vert qu’il verrait venir. Ce fonctionnaire le jura sur ses grands dieux, ce qui ne l’empêcha pas de s’asseoir le dos tourné au prétendu char à bancs, sans compter qu’il faisait noir comme dans un four. Enfin, la dame aux embarras se trouvant en tête-à-tête, à l’intérieur, avec un monsieur tout seul, fit allumer une petite lampe qu’elle portait dans son ridicule, et, quand on eut fini de l’emballer après bien de la peine, les chevaux reprirent un bon trot et la diligence continua sa course rapide.

La nuit était noire, la neige tombait toujours ; c’était peu divertissant. On n’entendait que les hurlements du vent, car le bruit des roues et du pas des chevaux était amorti par l’épais tapis de neige qui cachait la route, et qui la recouvrait de plus en plus à chaque moment. Les rues de Stamford étaient désertes quand on traversa la ville, et l’on voyait se dresser tristes et sombres les vieux clochers de ses églises sur le pavé blanchi. Vingt milles plus loin, deux passagers de la banquette de devant, sur l’impériale, en gens bien avisés, profitèrent de leur arrivée à la porte d’un des meilleurs hôtels d’Angleterre, pour y descendre, et pour passer la nuit à Grantham, à l’enseigne du Roi Georges. Les autres s’enveloppèrent de leur mieux dans leurs manteaux et leurs couvertures, et, laissant à regret derrière eux l’éclairage des réverbères et le foyer d’auberge, se firent un oreiller de leur bagage, et se disposèrent, avec plus d’un soupir mal réprimé, à affronter de nouveau la brise cruelle qui balayait la plaine.

Ils n’étaient guère à plus d’un relais de Grantham, c’est-à-dire à mi-chemin de Newark, quand Nicolas, qui s’était un moment assoupi, fut réveillé en sursaut par un cahot violent, qui le jeta presque à bas de la banquette. En saisissant la rampe, il s’aperçut que la diligence, fortement inclinée d’un côté, continuait d’être entraînée au pas de course par les chevaux, et pendant que, partagé entre le plongeon qu’ils allaient faire et les cris affreux de la dame de l’intérieur, il hésitait un moment s’il devait ou non sauter à bas, le véhicule versa tout tranquillement et le tira d’incertitude en le lançant tout de son long sur la route.