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M. Squeers donna le signal au numéro deux, qui la passa de même au premier commandement, au numéro trois. Si bien qu’à la fin, le lait coupé fut absorbé par le numéro cinq.

« À présent, dit le maître de pension partageant le pain beurré pour trois en autant de portions qu’il y avait de convives, vous ferez bien de ne pas perdre de temps à votre déjeuner, car la trompe du conducteur va nous appeler dans une ou deux minutes, et alors il faudra cesser immédiatement. »

Quand ils se virent autorisés à tomber sur les vivres, les écoliers se mirent à manger avec voracité, et surtout un empressement désespéré, pendant que leur maître, que son déjeuner avait mis de belle humeur, se nettoyait les dents avec sa fourchette, et contemplait avec un doux sourire le spectacle présent à ses yeux. Presque aussitôt la trompe maudite se fit entendre.

« Je pensais bien que ce ne serait pas long, dit Squeers en se levant vivement et tirant de dessous la banquette un petit panier ; allons, enfants, mettez là-dedans tout ce que vous n’avez pas eu le temps de manger, vous en aurez besoin en route. »

Nicolas était extrêmement étonné de tous ces arrangements économiques, mais il n’eut pas le temps d’y songer, car il fallut aider les petits garçons à monter tout en haut de la diligence, il fallut porter et placer leurs malles, il fallut aussi veiller à ce que le bagage de M. Squeers fût soigneusement serré dans le coffre, et c’est lui qui était chargé de tous ces soins. Il était dans le coup de feu, et tout entier à ses occupations, quand il fut accosté par son oncle, M. Ralph Nickleby.

« Oh, vous voilà, dit Ralph : tenez, voici votre mère et votre sœur, monsieur.

— Où donc ? cria Nicolas, jetant à la hâte un regard autour de lui.

— Par ici, répliqua son oncle. Comme elles ont tant d’argent qu’elles ne savent qu’en faire, je viens de les trouver, comme j’arrivais, qui payaient un fiacre qu’elles ont pris.

— Nous avions peur d’arriver trop tard pour le voir partir, dit Mme Nickleby embrassant son fils, sans se soucier des regards curieux des voyageurs.

— Très bien, madame, dit Ralph, vous savez ce que vous avez à faire. Je disais seulement que vous étiez en train de payer un fiacre. Moi, je n’en paye jamais de fiacre, madame, par la raison que je n’en prends jamais. Je ne sache pas avoir été dans un fiacre, à mon compte, depuis trente ans, et j’espère bien n’en pas prendre encore de trente ans, si je vais jusque là.