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plus bruyante. Cependant, pas une parole qui intéressât personne de sa connaissance. Nicolas commençait à se persuader que c’était son imagination surexcitée qui avait formé les sons dont avaient été frappées ses oreilles, et transformé d’autres mots en un nom qui occupait sa pensée tout entière.

« Pourtant, se disait Nicolas, c’est bien extraordinaire ; si seulement ç’avait été Catherine ou même Catherine Nickleby, j’en aurais été moins surpris ; mais, à la petite Catherine Nickleby ! »

Au même instant on lui apporta son vin ; il en avala un verre et reprit le journal, puis, tout d’un coup :

« À la petite Catherine Nickleby ! cria une voix derrière lui.

— Je ne m’étais pas trompé, murmura Nicolas ; et le journal lui tomba des mains ; oui, c’est bien l’homme que j’avais supposé.

— Puisqu’on n’a pas accepté sa santé tout à l’heure, dit la voix, parce que le vin n’était pas frais, nous allons cette fois lui offrir notre premier verre de ce nouveau flacon : « À la petite Catherine Nickleby !

À la petite Catherine Nickleby ! » répétèrent les trois autres ; et les verres furent vidés à l’instant.

Vivement excité par l’insolence et le ton des gens qui se permettaient de prononcer ainsi sans façon le nom de sa sœur dans un lieu public, Nicolas prit feu d’abord, mais il se contint par réflexion avec beaucoup de peine, et ne tourna même pas la tête.

« La petite gueuse ! dit la même voix, c’est bien une vraie Nickleby, la digne nièce de son oncle Ralph. Elle refuse pour se faire prier. C’est comme lui : pour en attraper quelque chose, il faut le traquer à la piste, et si l’argent en paraît doublement agréable, le marché en devient doublement onéreux ; car vous êtes impatient, et lui, il ne l’est pas. C’est une ruse infernale.

— Une ruse infernale ! » répétèrent les voix.

Nicolas tremblait de peur que le bruit fait par les deux vieux messieurs, pour se lever de table et s’en aller, ne lui fît perdre un mot de cette conversation pour lui si palpitante. Mais elle ne fut reprise qu’après leur départ, et cette fois sans réserve.

« Je crains, dit le plus jeune des quatre, que la vieille femme n’en soit devenue jalouse et ne l’ait mise sous clef. Cela me fait cet effet-là, je vous assure.

— Eh bien, si elles se disputent, et que la petite Nickleby s’en retourne chez sa mère, tant mieux, dit le premier interlocuteur. Je fais tout ce que je veux de la vieille dame ; elle croira tout ce que je lui dirai.