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disposé d’ailleurs par le tour de ses pensées à suivre son premier mouvement, tenté par la curiosité et peut-être par un singulier mélange de sentiments qu’il aurait eu bien du mal à définir lui-même, Nicolas revint sur ses pas et entra dans le café qui dépendait de l’hôtel.

La salle était magnifiquement meublée, les murs étaient tapissés des tentures les plus élégantes en papier français et enrichis d’une corniche dorée du plus joli dessin. Le parquet était couvert d’un tapis somptueux, et deux glaces superbes, l’une sur la cheminée, l’autre en face, dans toute la hauteur de la chambre, multipliaient la vue des autres ornements dont elle était décorée, et ajoutait à la beauté de l’effet général. Il y avait dans le compartiment auprès de la cheminée une société un peu bruyante, composée de quatre personnes ; puis, plus loin, deux autres messieurs seulement, tous deux âgés, tous deux à part.

Il ne fallait pas longtemps à un étranger pour reconnaître les lieux ; aussi, Nicolas vit-il tout cela d’un coup d’œil et alla-t-il prendre place dans le compartiment voisin de la société en question en leur tournant le dos ; puis il attendit, pour demander son carafon de bordeaux, qu’un des vieux gentlemen qu’il avait vus dans un coin eût réglé avec le garçon un item de son addition dont le prix lui paraissait exagéré, prit un journal et se mit à lire.

Il n’en avait pas encore parcouru vingt lignes, et se sentait à moitié assoupi, lorsqu’il tressaillit tout à coup en entendant prononcer le nom de sa sœur : À la petite Catherine Nickleby ! Tels furent les mots qui frappèrent son oreille. Il releva la tête tout étonné, et vit alors, dans la glace vis-à-vis, que deux des convives étaient debout devant la cheminée. Cela ne peut venir que de l’un d’eux, pensa Nicolas ; il prêta l’oreille pour en entendre davantage, réprima l’indignation légitime qu’il ressentait, car le ton dont ces mots avaient été prononcés était loin d’être respectueux, et l’extérieur de l’individu qu’il soupçonnait d’avoir pris la parole avait quelque chose de grossier et de fanfaron.

En l’examinant de plus près, toujours dans la glace, il le vit en conversation, le dos au feu, avec un personnage plus jeune que lui, qui tournait le dos à la compagnie, son chapeau sur la tête, en ajustant devant la glace le col de sa chemise. Ils chuchotaient ensemble, et de temps en temps poussaient un grand éclat de rire, sans que Nicolas pût leur entendre répéter les mots qui avaient attiré son attention.

À la fin, ces messieurs reprirent leurs sièges ; on demanda encore une bouteille de vin, et la gaieté générale n’en devint que