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hier soir si j’en avais eu le cœur, dit Newman, qui ne pouvait rester en place et qui montrait le poing par méprise à un innocent portrait de M. Canning accroché sur la cheminée. Il ne s’en est pas fallu de beaucoup ; j’ai été obligé, pour me contraindre, de mettre mes mains dans mes poches et de les y tenir emprisonnées ; mais bah ! je finirai quelque jour par lui faire son affaire dans le petit parloir sur le derrière, je suis sûr que je finirai par là. Il y a déjà longtemps que ce serait fait si je n’avais pas eu peur d’empirer encore les choses : mais patience, un beau matin je m’enfermerai avec lui à double tour, et il faudra qu’il me passe par les mains avant que je m’en aille, c’est sûr.

— Remettez-vous donc, monsieur Noggs, dit miss la Creevy, ou je vais crier comme une folle ; je sens que je ne pourrais pas m’en empêcher.

— C’est égal, répondit Newman en continuant de se promener à grands pas de long en large. Il arrive ce soir, je lui ai écrit. Il ne se doute guère que je sais tout ; il ne se doute guère que je l’épie ; le fourbe ! le brigand ! il ne s’en doute guère, bien sûr, bien sûr, mais c’est égal. Il aura affaire à moi, moi, Newman Noggs. Ho ! ho ! le gredin ! »

Une fois emporté par cet accès extravagant d’une fureur trop légitime, Newman Noggs s’agita dans la chambre en prenant les postures les plus excentriques qu’on puisse donner au corps humain ; tantôt il se mettait en garde pour boxer avec les petites miniatures rangées le long du mur, tantôt il s’assénait à lui-même de violents coups de poing sur la tête, comme pour ajouter à l’illusion, jusqu’à ce qu’enfin il se rassit sur le siège qu’il occupait d’abord, épuisé et haletant.

« Là ! là ! dit-il en ramassant son chapeau, cela m’a fait du bien ; maintenant que je me sens mieux, je vais tout vous dire. »

Miss la Creevy ne se rassura pas tout de suite complètement, tant elle avait été mise hors d’elle par les transports violents de son visiteur. Mais, une fois que ce fut fini, Newman lui fit un récit fidèle de tout ce qui s’était passé dans l’entrevue de Catherine et de son oncle, n’oubliant pas, en tête de sa narration, les soupçons antérieurs qu’il avait conçus à cet égard, et pourquoi. Enfin, il réserva, pour terminer sa narration, la confidence du parti qu’il avait pris d’écrire secrètement à Nicolas.

Si l’indignation de la petite demoiselle la Creevy ne se répandait pas en manifestations extérieures, aussi singulières que celles de Newman, elle n’y perdait rien, à l’intérieur, en violence et en intensité. Je n’aurais pas voulu pour Ralph que quelque hasard l’amenât là dans sa chambre en ce moment. Il n’est pas sûr qu’il