Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/428

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contrer quand j’aurais été jeune, n’est-il pas vrai ? Vous-même, auriez-vous pu rencontrer mieux, hein ? dites, dites donc. » Et en même temps qu’il le pressait de questions, M. Lillyvick lui enfonçait son coude dans les côtes, riant aux éclats d’une telle force que, lorsqu’il voulut réprimer l’expression de son contentement, sa figure en était devenue toute pourpre.

Cependant, grâce aux soins réunis de toutes les dames à la fois, la nappe se trouva mise sur deux tables que l’on avait mariées ensemble ; mariage mal assorti s’il en fut jamais, car, pendant qu’une était étroite et haute, l’autre était basse et large. Il y avait des huîtres au haut bout, du saucisson à l’autre extrémité, une paire de mouchettes au milieu du service, et des pommes de terre cuites au four, qui se promenaient de place en place, selon le bon plaisir des convives. On avait apporté de la chambre à coucher deux chaises de plus. Mlle Snevellicci tenait la place d’honneur, M. Lillyvick était en face. Nicolas n’avait pas l’avantage de siéger auprès d’elle, mais il avait maman Snevellicci à sa droite et papa Snevellicci vis-à-vis. Bref, c’est lui qui fut le héros de la fête ; et, quand on eut desservi la table pour apporter un verre de punch, papa Snevellicci se leva et proposa la santé du jeune homme, la santé de Nicolas en des termes et avec des allusions si touchantes à son prochain départ, que miss Snevellicci fut obligée, pour cacher ses larmes, de se retirer dans sa chambre à coucher.

« Surtout, qu’on n’ait pas l’air d’y faire attention ! » dit Mlle Ledrook, qui l’avait accompagnée en parlant à la société, de la chambre à coucher dont elle avait entr’ouvert la porte ; vous aurez l’air de croire, quand elle va revenir, que c’est qu’elle s’est donné trop de mal à préparer la table.

Et miss Ledrook, avant de refermer la porte, accompagna cet avertissement de tant de petits signes de tête mystérieux, de tant de petites mines intelligentes, que toute la compagnie gardait un profond silence pendant que papa Snevellicci, ouvrant des yeux grands comme des portes cochères, qu’il fixait tour à tour sur chacun des convives, mais plus particulièrement sur Nicolas, ne cessait d’emplir et de vider son verre, jusqu’à ce que toutes les dames revinrent de leur chambre en un peloton avec miss Snevellicci au milieu d’elles.

« Vous n’avez pas besoin de vous tourmenter beaucoup, monsieur Snevellicci, dit Mme Lillyvick ; elle est seulement un peu faible, un peu agacée ; elle est comme cela depuis ce matin.

— Ah ! dit M. Snevellicci, voilà tout et ce n’est donc que cela ?