Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/423

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monsieur Johnson, répliqua M. Folair en relevant le quartier de son chausson de danse ; je ne parlais que de la curiosité bien naturelle aux gens de savoir ce qu’il a fait toute sa vie.

— Le pauvre garçon ! je croyais qu’il n’était que trop visible qu’il n’a pas assez d’intelligence pour avoir jamais rien fait d’important, ni pour eux ni pour personne.

— À la bonne heure, répliqua l’acteur en se mirant et s’admirant dans un quinquet à réflecteur. Mais c’est là le nœud de la question, vous comprenez ?

— Quelle question ? demanda Nicolas.

— Mais qui il est ? ce qu’il est ? comment il se fait que deux personnes aussi différentes que vous l’êtes soient devenues inséparables ? répondit M. Folair enchanté de l’occasion de dire quelque chose de désagréable. Les voilà, les questions que tout le monde se fait.

— Tout le monde de la troupe, je suppose, dit Nicolas avec mépris.

— Au-dedans comme au dehors, répliqua l’acteur. Tenez, Lenville, par exemple.

— Je croyais pourtant l’avoir fait taire, dit vivement Nicolas, le rouge lui montant à la figure.

— Peut-être bien, continua l’imperturbable M. Folair ; alors c’est qu’il disait cela avant que vous l’eussiez fait taire. Lenville donc prétend que vous êtes un artiste de renom, qu’il n’y a que le mystère qui vous entoure qui ait pu vous décider à venir vous associer à notre troupe, et que Crummles vous garde le secret parce qu’il en profite. Ce n’est pas, comme dit Lenville, qu’il y ait du mal à cela, si ce n’est que vous aurez eu quelque mauvaise affaire qui vous aura forcé de vous sauver de quelque part pour avoir fait quelque chose.

— Ah ! dit Nicolas qui riait jaune.

— Voilà en partie ses suppositions, ajouta M. Folair. Je ne vous en parle qu’à titre d’ami commun et sous le sceau du secret. Je ne suis pas son homme, vous le savez ; eh bien, il veut absolument voir dans Digby plutôt un fripon qu’un imbécile. Et quant au vieux Flaggers, qui fait ici, comme vous le savez, la grosse besogne, il croit se rappeler que, du temps qu’il était commissionnaire à Covent-Garden, il y a bientôt six mois, il y avait toujours un filou qui était en mouvement pour ouvrir les portières ; qui était tout le portrait de Digby. Cela n’empêche pas, comme il le dit très bien, que ce peut bien n’être pas lui, mais seulement son frère ou quelque proche parent. »

Nicolas poussa un nouveau cri de surprise.