Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/421

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Alors je vais donc avoir trois dernières représentations ? demanda Nicolas en souriant.

— C’est vrai ! répliqua le directeur en se grattant la tête d’un air contrarié, cela n’en fait que trois : c’est trop peu. C’est vraiment un massacre de s’en tenir là, c’est même contre les règles ; mais enfin que voulez-vous ? on ne peut faire que ce qu’on peut, il n’y a pas à dire. Seulement il nous faudrait bien quelque petite nouveauté. Est-ce que vous ne pourriez pas nous chanter une chanson comique, à cheval sur le poney, hein ?

— Non, répondit Nicolas, je m’en sens tout à fait incapable.

— C’est dommage : cela nous a quelquefois rapporté gros, dit M. Crummles visiblement désappointé. Qu’est-ce que vous dites d’un beau feu d’artifice ?

— Ce serait un peu cher, répliqua Nicolas tout sec.

— Bah ! avec une pièce de quarante sols on en verrait la fin, dit M. Crummles. Vous, par exemple, sur une estrade de deux marches, avec le phénomène, faisant tableau ; Adieu sur un transparent par derrière ; neuf personnes sur les ailes avec un pétard dans chaque main : les dix-huit pétards partant ensemble. Ah ! ce serait tout à fait grand, un magnifique coup d’œil à voir de la salle, un vrai coup d’œil. »

Comme la solennité de cet effet merveilleux ne paraissait pas avoir converti Nicolas, qui reçut au contraire la proposition de la manière la moins respectueuse par un grand éclat de rire, M. Crummles vit bien que c’était un projet avorté, et fit seulement l’observation, d’un air triste, qu’alors il faudrait enjoliver, le mieux qu’ils pourraient, l’affiche d’annonce de combats et de bourrées écossaises ; que, pour le reste, on s’en tiendrait au drame pur.

Pressé de passer à l’exécution immédiate de son plan, le directeur se rendit sur-le-champ dans un petit cabinet de toilette voisin, où Mme Crummles était, pour le moment, occupée à échanger le costume d’une impératrice de mélodrame contre la toilette d’une matrone du xixe siècle. Et là, avec l’aide de cette dame et de l’incomparable Mme Grudden (un vrai génie pour les affiches : elle n’avait pas son pareil pour semer à grands traits les points d’exclamation ; personne ne pouvait disputer à sa longue expérience la science des grandes lettres capitales et de la place qu’elles devaient nécessairement occuper), il se mit sérieusement à l’œuvre pour composer l’affiche.

« Ouf ! » dit Nicolas avec un soupir, en se renversant dans le fauteuil du souffleur, après avoir fait jouer le télégraphe pour donner à Smike les conseils nécessaires à son rôle. Smike jouait,