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fidences, il faut croire que la compassion jouait chez eux un grand rôle, et qu’il n’y avait pas de gens plus charitables que les membres mâles de la troupe de M. Crummles.

Nicolas ne fut pas plus enivré de sa victoire qu’il ne l’avait été de son grand succès sur le petit théâtre de Portsmouth. Il y mit la même modération et la même bonhomie. M. Lenville, tout penaud, fit pourtant un dernier effort pour prendre sa revanche, en envoyant un gamin siffler au paradis. Mais l’indignation populaire en fit immédiatement justice en le mettant à la porte sans lui rendre son argent.

« Eh bien ! Smike, lui dit Nicolas après la fin de la première pièce, et lorsqu’il était déjà presque rhabillé pour retourner chez lui, avons-nous encore une lettre ?

— Oui, répondit Smike ; en voici une que je viens de prendre au bureau.

— De Newman Noggs, dit Nicolas en jetant les yeux sur l’écriture griffonnée de l’adresse ; ce n’est pas facile à déchiffrer. Voyons ! voyons ! »

À force de se casser la tête pendant une demi-heure à étudier la lettre, il finit par en lire le contenu, qui n’était certes pas de nature à le tranquilliser. Newman prenait sur lui de lui envoyer les deux cent cinquante francs, après s’être assuré que ni Mme Nickleby, ni Catherine n’avaient réellement besoin d’argent pour le moment, tandis que Nicolas pourrait avant peu avoir besoin de toutes ses ressources. Il le priait de ne pas s’alarmer de ce qu’il allait lui dire ; qu’il n’avait pas de mauvaises nouvelles à lui donner ; que tout le monde était en bonne santé. Mais, ajoutait-il, il pourrait se présenter bientôt peut-être telle circonstance qui rendrait absolument nécessaire à Catherine d’avoir auprès d’elle la protection de son frère ; et, dans ce cas, il ne manquerait pas de lui écrire par un des prochains courriers.

Nicolas lut et relut ce passage, et plus il le lisait, plus il commençait à craindre quelque perfidie de la part de Ralph ; un fois ou deux, il fut tenté de se rendre à Londres à tout hasard, sans attendre seulement une heure, mais un moment de réflexion suffit pour lui faire comprendre que, si sa présence eût été nécessaire, Newman le lui aurait dit tout de suite franchement.

« Dans tous les cas, je ferai bien, dit Nicolas, de préparer ici tout le monde à me voir, s’il le faut, précipiter mon départ. Je n’ai pas de temps à perdre. »

Et aussitôt il prit son chapeau et se rendit au foyer.

« Eh bien ! monsieur Johnson, lui dit Mme Crummles qui était là sur son trône en grand costume de reine, avec le phénomène