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dame était dans une situation intéressante) s’élança du milieu des autres dames et, poussant un cri perçant, se jeta sur le corps de son mari.

« Voyez-vous, monstre, voyez-vous cela ? cria M. Lenville se remettant sur son séant et montrant sa dame infortunée qui, le genou en terre, le tenait étroitement serré par la taille.

— Allons ! dit Nicolas en lui faisant un signe de tête victorieux, demandez-moi pardon de la lettre insolente que vous m’avez écrite hier au soir, et ne perdez pas de temps à bavarder.

— Jamais ! cria M. Lenville.

— Si ! si ! si ! lui dit sa femme à grands cris ; faites-le pour moi, pour mon enfant ; Lenville, ne vous arrêtez point à un vain point d’honneur, ou votre femme ne sera bientôt plus qu’un triste cadavre à vos pieds.

— Je ne puis pas résister à cela, dit M. Lenville en regardant autour de lui et passant le dos de sa main le long de ses yeux. Les liens de la nature sont bien puissants ; l’époux trop tendre, et le père déjà faible, bien que je ne sois encore qu’en espérance, fléchit devant cette prière ; je demande pardon, dit-il.

— Un pardon humble et repentant, dit Nicolas.

— Humble et repentant, répéta le tragédien d’un air triste et farouche, mais c’est seulement pour la sauver que je me sacrifie ; car il viendra un jour…

— Très heureux, dit Nicolas ; je souhaite qu’il soit très heureux pour Mme Lenville ; et ce jour-là, le jour où vous serez père, vous reprendrez vos excuses, si vous en avez le courage. Allons ! une autre fois, monsieur, réfléchissez davantage avant de vous laisser emporter à votre jalousie, et surtout ayez soin de ne pas trop vous avancer, avant de vous assurer du caractère de votre adversaire. »

En lui faisant cet adieu, il ramassa la canne de bois blanc que M. Lenville avait laissée tomber de ses mains, et la cassant par le milieu, il lui en jeta les morceaux et se retira, faisant en passant un léger salut aux spectateurs de cette scène.

Le soir, Nicolas fut traité avec la plus profonde déférence, les gens qui s’étaient montrés les plus impatients, le matin, de lui voir tirer le nez, saisirent la première occasion de le prendre à part, pour lui exprimer chaudement leur satisfaction de la manière dont il avait traité cet animal de Lenville, qui était véritablement insupportable ; et tous lui assurèrent, par une coïncidence remarquable, qu’ils lui auraient déjà donné aussi une bonne leçon s’ils n’avaient pas été retenus par pure compassion ; et certes, à en juger par la conclusion uniforme de toutes ces con-