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hochant la tête. Est-ce que je la verrai quelque jour, votre sœur ?

— Je crois bien, cria Nicolas, nous serons tous réunis un de ces jours, quand nous serons riches, Smike.

— Comment se fait-il, vous qui êtes si bon et si tendre pour moi, que vous n’ayez personne qui soit bon et tendre pour vous ? demanda Smike. C’est une chose qui me passe.

— Oh ! ce serait une longue histoire, répliqua Nicolas, et que vous auriez peut-être quelque peine à comprendre : c’est que j’ai un ennemi, voyez-vous. Vous savez ce que c’est ?

— Oh oui ! je le sais.

— Eh bien ! c’est lui qui en est cause. Il est riche, celui-là, et n’est pas aussi aisé à punir que le vôtre, votre ancien ennemi, M. Squeers. C’est mon oncle, mais ce n’en est pas moins un méchant, et qui m’a fait bien du mal.

— Est-ce vrai ? demanda Smike vivement, en faisant un pas en avant. Quel est son nom ? Je veux savoir son nom.

— Ralph… Ralph Nickleby.

— Ralph Nickleby, répéta Smike. Ralph ; je vais apprendre ce nom-là par cœur. »

En effet, il le marmotta plus de vingt fois entre ses lèvres ; il le marmottait encore, lorsqu’un coup frappé avec force à la porte vint le distraire de cette occupation. Sans attendre qu’on lui ouvrît, M. Folair, l’illustre pantomime, avait déjà passé sa tête.

La tête de M. Folair était ordinairement ornée d’un chapeau rond, dont la forme était extraordinairement haute, et les bords très retroussés. Il avait cru devoir, pour l’occasion présente, le mettre sur le coin de l’oreille, en plaçant le derrière devant, sans doute parce qu’il était moins usé. Il portait autour du cou un cache-nez de laine tricotée rouge-feu, dont les bouts pendants passaient sous un habit râpé acheté de rencontre, qui lui serrait la taille, et boutonné de haut en bas. À la main il avait un gant très sale et une canne bon marché surmontée d’une poignée en verre. Bref, il y avait dans toute sa personne quelque chose d’éblouissant et une prétention de toilette inusitée.

« Bonsoir, monsieur, dit M. Folair ôtant son grand chapeau et passant ses doigts dans ses cheveux, voici un message dont je suis porteur. Hum !

— De qui et pourquoi ? demanda Nicolas. Je vous trouve singulièrement mystérieux ce soir.

— Froid peut-être, répondit M. Folair ; il est possible que vous me trouviez froid ; ce n’est pas ma faute, monsieur Johnson, c’est celle de ma position. C’est ma position d’ami commun, mon-