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colas y joua une infinie variété de rôles, toujours avec le même engouement du public, et la foule s’y porta toujours avec une constance si encourageante que le directeur considéra comme une chose très profitable pour lui-même de donner, avant son départ, une représentation au bénéfice de l’artiste chéri des loges et du parterre. Nicolas, ayant accepté les conditions qui lui furent proposées, tira de cette représentation une somme ronde de 500 francs pour le moins.

Quand il se vit à la tête de cette fortune qui lui tombait des nues, son premier soin fut d’envoyer par la poste à l’honnête John Browdie le montant de ce prêt généreux qu’il lui avait fait d’un si bon cœur, sans oublier dans sa lettre l’expression de tous ses sentiments d’estime et de reconnaissance, non plus que ses souhaits sincères pour le bonheur de son ménage. En même temps il fit passer à Newman Noggs la moitié de son petit trésor, en le priant de saisir la première occasion d’en faire présent à Catherine en secret, et de lui transmettre l’assurance la plus cordiale de sa tendresse et de son affection. Quant à son genre de vie, il n’en faisait pas mention. Il se bornait à prévenir Newman que ses lettres lui parviendraient à l’adresse de Johnson, bureau restant, Portsmouth. Il le priait au nom de leur amitié de lui donner dans sa réponse les plus grands détails sur la situation de sa mère et de sa sœur, avec un récit circonstancié de toutes les grandes et belles choses que Ralph Nickleby avait faites pour elles depuis leur séparation.

« Je vous trouve bien abattu, lui dit Smike le soir du départ de la lettre.

— Il n’en est rien, répondit Nicolas avec une feinte gaieté, car il ne voulait pas, par un aveu de sa peine, attrister le pauvre garçon pour toute la nuit ; c’est que je pensais à ma sœur, Smike.

— Votre sœur ?

— Oui.

— Vous ressemble-t-elle ? demanda Smike.

— Mais, on le dit, répliqua Nicolas en riant ; seulement elle est beaucoup mieux.

— En ce cas elle est donc bien belle, dit Smike après avoir un peu réfléchi, en joignant les mains et fixant les yeux sur son ami.

— Mon cher garçon, savez-vous que quelqu’un qui ne vous connaîtrait pas comme je vous connais, vous accuserait d’être un parfait courtisan.

— Je ne sais seulement pas ce que c’est, répliqua Smike,