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En prononçant ces derniers mots, elle fit signe de la main à Ralph Nickleby de ne pas se déranger, et sortit, le laissant immobile sur ses pieds comme une statue.

Catherine fut si surprise, en fermant la porte de la chambre, de voir, tout près derrière, Newman Noggs debout, droit comme un I, au fond d’une petite niche pratiquée dans la muraille, avec l’air d’un épouvantail à moineaux, que c’est à peine si elle put retenir un cri d’étonnement ; mais Newman lui recommandant le silence en mettant un doigt sur ses lèvres, elle eut la présence d’esprit de ne pas dire un mot.

« Non, dit Newman, sortant doucement de sa cachette et l’accompagnant dans le vestibule, non, ne pleurez pas. » Et en disant cela, Newman laissait couler deux grosses larmes le long de ses joues.

« Je sais ce que c’est, allez, dit le pauvre Noggs tirant de sa poche quelque chose qui ressemblait à un vieux torchon, pour en essuyer les yeux de Catherine aussi doucement qu’une nourrice essuie ceux de son enfant. Allons ! allons ! voilà que vous pleurez maintenant. Eh bien ! à la bonne heure ! c’est bon, j’aime cela ; vous avez eu raison tout à l’heure de ne pas pleurer devant lui. Oui, oui. Ha ! ha ! ha ! oh oui ! pauvre malheureuse ! »

En poussant ces exclamations, Newman s’essuyait aussi les yeux avec le susdit torchon, et s’en allait boitillant vers la porte de la rue, qu’il lui ouvrit, et la laissa passer.

« Ne pleurez plus, lui dit-il tout bas, je vous reverrai bientôt ; ha ! ha ! ha ! et un autre aussi vous reverra ; oui, oui. Ho ! ho !

— Que Dieu vous récompense, répondit Catherine se hâtant de sortir, qu’il vous bénisse !

— Et vous de même, répliqua Newman rouvrant un peu la porte pour lui répondre. Ha ! ha ! ha ! ho ! ho ! ho ! »

Et Newman la rouvrit encore pour lui faire avec la tête de petits signes d’amitié et un nouvel éclat de rire, et la referma pour secouer sa tête tristement et fondre en larmes.

Ralph resta dans la même attitude jusqu’à ce qu’il eut entendu fermer la porte. Alors il haussa les épaules, fit quelques tours dans la chambre, plus rapides d’abord, puis plus lents par degrés, à mesure qu’il revenait à lui, et finalement s’assit devant son bureau.

Expliquez-moi, si vous pouvez, ce singulier problème de la nature humaine. Ralph, en ce moment, ne ressentait aucun remords de sa conduite envers cette jeune fille innocente, au cœur franc et loyal ; les libertins dont elle était victime n’avaient pas