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révolte enfin contre l’outrage, et il en arrivera ce qui voudra ; mais je viens, moi, la fille de votre frère, vous déclarer que je ne veux plus supporter ces insultes.

— Quelles insultes, petite ? demanda Ralph avec aigreur.

— Rappelez-vous ce qui s’est passé ici, et vous pourrez vous répondre en ma place, répliqua-t-elle en rougissant jusqu’au blanc des yeux. Mon oncle, il est de votre devoir, et j’espère aussi qu’il est dans vos sentiments de m’affranchir de la société indigne et avilissante à laquelle je suis livrée maintenant. Je ne veux pas, ajouta-t-elle en s’approchant de lui vivement et lui mettant la main sur l’épaule, je ne veux pas montrer de violence ni de colère. Pardon, mon cher oncle, si j’ai paru le faire ; mais vous ne savez pas, et vous ne pouvez pas savoir tout ce que j’ai souffert. Vous ne savez pas ce que c’est que le cœur d’une jeune fille. Il serait injuste de vous en faire un reproche, vous ne pouvez pas le connaître ; mais quand je vous dis que je suis malheureuse et que j’ai le cœur brisé de douleur, je suis sûre que vous ne me refuserez pas votre aide ; j’en suis sûre ; oh ! oui, j’en suis sûre. »

Ralph la considéra un instant, puis détourna la tête et frappa du pied sur le parquet comme un homme agacé.

« J’ai patienté de jour en jour, dit Catherine se penchant vers lui et plaçant dans sa main sa petite main timide ; j’avais toujours l’espoir de voir cesser ces persécutions. J’ai patienté de jour en jour, forcée de donner à mon visage l’expression de la bonne humeur au moment où j’étais la plus malheureuse ; et pas une âme pour me conseiller, pour me soutenir, pour me protéger ! Maman se berce de l’idée que ce sont des hommes honorables, riches, distingués. Comment voulez-vous ?… comment voulez-vous que j’aille la détromper, quand je la vois si heureuse de ses petites illusions, son seul bonheur après tout. Quant à la dame chez laquelle vous m’avez placée, ce n’est point du tout une personne à laquelle on puisse se confier dans des matières si délicates. J’ai donc fini par venir à vous, le seul ami que j’aie près de moi, presque le seul ami que j’aie au monde, pour vous implorer, pour vous supplier de m’assister.

— Et comment voulez-vous que je vous assiste, mon enfant ? dit Ralph en se levant de sa chaise et recommençant à se promener de long en large dans la chambre, les mains derrière le dos, comme avant l’arrivée de Catherine.

— Vous avez de l’influence sur un de ces hommes, je le sais, répliqua Catherine, je l’ai vu : un mot de vous suffirait peut-être pour le faire renoncer à cette lâche conduite.