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conclue le matin, sa bouche laissait deviner un sourire dur et triste, pendant que la roideur des lignes et des courbes dont il était formé, unie au regard astucieux de son œil froid et brillant, disait assez que s’il fallait encore trouver, pour augmenter ses profits, quelque nouvel effort de résolution ou de ruse, il en avait de reste à son usage.

« À la bonne heure, disait Ralph, faisant allusion, sans aucun doute, à quelque opération du jour. Ah ! il brave l’usurier, c’est bon, nous allons voir. Ah ! la probité est la meilleure politique ! dit-il : eh bien ! je suis curieux de voir si c’est vrai. »

Puis il s’arrêtait, puis il reprenait sa promenade.

« Ah ! dit-il, se déridant par un sourire, il est bien aise de mettre dans la balance son caractère et son honnêteté connue entre le pouvoir de l’argent, ou, comme il l’appelle, d’un vil métal ! Il faut donc que ce soit un bien grand imbécile ! Vil métal ! Comment peut-on dire cela ? Vil métal !… Mais qui est là ?

— Moi, dit Newman Noggs passant la tête par la porte : votre nièce…

— Eh bien ! quoi, ma nièce ! demanda Ralph contrarié.

— Elle est ici.

— Ici ? »

Newman rejeta sa tête du côté de son petit bureau pour montrer qu’elle était là, à attendre.

« Qu’est-ce qu’elle veut ? demanda Ralph.

— Je ne sais pas, répondit Newman ; faut-il que je le lui demande ? ajouta-t-il vivement.

— Non, faites-la entrer… Un moment, attendez. » Il se dépêcha de faire disparaître un petit coffre à argent fermé au cadenas, qu’il avait sur la table, et qu’il remplaça par une bourse vide. « Là ! dit-il, à présent elle peut entrer. »

Newman, qui n’avait pu retenir un comique sourire en voyant cette manœuvre, fit signe à la demoiselle d’approcher, lui donna une chaise et se retira, jetant par-dessus l’épaule un regard furtif à Ralph. En même temps il sortit sans se presser, clopin-clopant.

« Eh bien ! dit Ralph d’un ton rude encore, quoiqu’il y eût pourtant dans ses manières une expression moins dure qu’avec tout autre ; eh bien ! ma chère, qu’est-ce qu’il y a de nouveau ? »

Catherine leva ses yeux remplis de larmes et fit un effort sur son émotion pour pouvoir répondre, mais en vain. Alors elle laissa retomber sa tête et demeura silencieuse. Ralph, sans voir son visage, voyait pourtant bien qu’elle pleurait.

« Je vois d’ici ce que c’est, se dit-il en lui-même après