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Ici, Mme Wititterly imprima à sa tête non pas de ces mouvements désordonnés qu’agite la colère, mais de ces petits mouvements modérés qu’inspire la vertu ; puis, avant de passer outre, elle parut craindre que son émotion ne ramenât ses palpitations de cœur.

« Votre tenue, mademoiselle Nickleby, reprit la dame, est loin, bien loin de me plaire. Personne ne désire plus vivement que moi de vous voir bien tourner ; mais, si vous continuez, mademoiselle Nickleby, cela ne peut pas être, vous pouvez y compter.

— Madame ! s’écria Catherine outrée.

— Ne m’agitez pas en me parlant de cette manière, mademoiselle Nickleby ; je vous le défends ! dit Mme Wititterly avec beaucoup de violence pour un être réputé si débile, ou vous me forcerez à sonner Alphonse. »

Catherine la regarda sans ajouter un mot.

« Je ne suppose pas, mademoiselle Nickleby, reprit Mme Wititterly, que vous ayez la prétention, en me regardant de cette façon, de m’empêcher de vous dire ce que j’ai à vous dire pour obéir à un devoir impérieux. Vous n’avez pas besoin de me faire des yeux ! reprit-elle dans un éclat de dépit soudain. Moi, je ne suis pas sir Mulberry ni lord Frédérick Verisopht, mademoiselle Nickleby, ni M. Pyke, pas plus que M. Pluck. »

Catherine la regarda encore, mais avec moins d’assurance, et appuyant son coude sur la table voisine, elle se cacha les yeux dans sa main.

« S’il s’était passé quelque chose comme cela quand j’étais fille, moi, continua Mme Wititterly (et, par parenthèse, elle ne parlait pas d’hier au soir), je puis dire que personne n’aurait voulu le croire.

— Et c’est de même aujourd’hui, j’espère, murmura Catherine. Non, personne ne voudrait croire, sans y avoir passé, tout ce que j’ai été condamnée à supporter de souffrances.

— Ne me parlez pas, s’il vous plaît, d’être condamnée à supporter des souffrances, mademoiselle Nickleby, dit Mme Wititterly d’un ton de voix perçant, mal en rapport avec ce tempérament souffreteux : je ne veux pas qu’on me réponde, mademoiselle Nickleby ; je ne suis pas accoutumée à ce qu’on me réponde, et je ne le permettrai jamais à qui que ce soit, entendez-vous ? ajouta-t-elle, s’arrêtant pour lui donner le temps de répondre, tout en disant qu’elle ne voulait pas qu’on lui répondît.

— Oui, madame, je vous entends, répondit Catherine ; je suis