Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/398

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« C’est un grand honneur, assurément, dit M. Wititterly ; le malheur est que Julia, ma tendre amie, va en souffrir demain.

— En souffrir ? cria lord Verisopht.

— La réaction, milord, la réaction, dit M. Wititterly ; cette violente secousse qui vient ensuite ébranler son système nerveux : un affaissement, un abattement, une prostration, une lassitude, une faiblesse ! Tenez, milord, si sir Tumley Snuffim pouvait voir en ce moment cette délicate créature, il ne donnerait pas cela de sa vie. » Pour mieux faire comprendre cela, M. Wititterly prit dans sa tabatière une prise de tabac qu’il lança légèrement en l’air, comme un emblème de l’existence fugitive de son épouse adorée.

« Pas cela, répéta-t-il en regardant autour de lui de l’air le plus sérieux du monde ; non, sir Tumley Snuffim ne donnerait pas cela de la vie de Mme Wititterly. »

M. Wititterly dit ces paroles avec une sorte de joie à la fois fière et recueillie, comme un homme qui ne se fait pas d’illusion sur l’état désespéré de sa femme, mais qui ne se dissimule pas non plus l’honneur qu’il en reçoit. Mme Wititterly, de son côté, soupirait et roulait des yeux modestes, comme une femme qui a le sentiment de cette distinction glorieuse, mais qui veut la soutenir avec autant d’humilité que faire se peut.

« Mme Wititterly, dit le mari, est la cliente favorite de sir Tumley Snuffim. Je crois pouvoir dire que Mme Wititterly est la première personne qui ait expérimenté le nouveau médicament auquel on attribue la mort d’une famille entière aux sablonnières de Kensington. Je crois bien que c’est elle qui a été la première. Si je me trompe, ma chère Julia, vous pouvez me reprendre.

— Je crois que j’ai été la première, » dit Mme Wititterly d’une voix débile.

En voyant que son patron ne savait trop comment se mêler à la conversation, dont il n’avait d’ailleurs nulle envie, l’intrépide M. Pyke monta encore à la brèche à sa place, et, pour ne pas avoir l’air de dévier de la question, il demanda si ce médicament avait bon goût.

« Non, monsieur, bien loin de là ! Il n’avait pas même ce triste mérite, dit M. Wititterly.

— Alors, Mme Wititterly est un vrai martyr, continua-t-il en s’inclinant devant cette sainte femme.

— Je le crois, vraiment, dit Mme Wititterly avec un sourire.