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portant c’est que vous soyez venus, dit Mme Wititterly, qui, à force de rester trois ans et demi couchée sur le même sofa, avait fini par se composer à son usage toute une pantomime de poses gracieuses, et elle en abusait alors pour choisir dans son répertoire celles qu’elle pouvait croire les plus propres à frapper d’étonnement ses visiteurs. Soyez sûrs que j’en suis enchantée !

— Et comment se porte Mlle Nickleby ? dit, en s’approchant de Catherine, sir Mulberry à voix basse, non pas assez basse pourtant pour échapper à l’attention de Mme Wititterly.

— Mais elle souffre encore, à ce qu’il paraît, du vacarme effrayant d’hier au soir, dit la dame ; et, pour ma part, je n’en suis pas étonnée, car j’en ai moi-même les nerfs brisés.

— Et cependant vous avez une mine, reprit sir Mulberry se tournant vers elle, vous avez pourtant une mine…

— Au-dessus de tout ce qu’on peut dire, dit M. Pyke venant en aide à son patron. » Le mot fut répété par M. Pluck, bien entendu.

« J’ai bien peur, milord, dit Mme Wititterly s’adressant au jeune gentleman qui était resté tout ce temps-là à téter le bout de sa canne en silence et à dévisager Catherine ; j’ai bien peur que sir Mulberry ne soit un flatteur.

— Oh ! en diable, répliqua Verisopht. » Après avoir exprimé avec cette énergie un sentiment si distingué, il retourna à sa première occupation.

« Mais Mlle Nickleby ne perd rien non plus à cette petite indisposition, dit sir Mulberry, fixant sur elle un regard impudent. Je l’ai toujours vue charmante, mais, sur ma parole, madame, je trouve que vous lui avez donné de plus encore quelques-uns de vos charmes. »

À voir le feu qui embrasa à ces mots les joues de la pauvre fille, on aurait pu croire, sans témérité, que si Mme Wititterly lui avait donné quelqu’un de ses charmes, c’était surtout le fard dont elle décorait les siennes. Mme Wititterly convint, non sans faire quelques façons, que Catherine était jolie. Mais, dès ce moment, elle commença à ne plus trouver sir Mulberry une aussi délicieuse créature qu’elle l’avait supposé d’abord. Car on peut bien prendre plaisir à la compagnie d’un flatteur habile quand on est son unique idole, mais du moment qu’il se met à égarer ailleurs ses compliments, son goût devient à l’instant plus que douteux.

« Pyke, dit le vigilant M. Pluck qui remarqua l’effet des éloges donnés à Mlle Nickleby.

— Eh bien, Pluck ? dit Pyke.