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eux marchait un page en bas de soie, qui, les laissant à distance faire des révérences les plus gracieuses du monde, s’approcha, mit un genou en terre aux pieds de son aimable maîtresse, et lui présenta, sur un plateau d’or magnifiquement ciselé, un billet parfumé.

« Dame Flabella, avec une agitation dont elle ne fut pas maîtresse, déchira à la hâte l’enveloppe et brisa le cachet odorant. C’était un mot de Befillaire, le jeune colonel à la taille élancée, à la voix métallique, son Befillaire, pour tout dire. »

« Ah ! c’est charmant ! dit la patronne de Catherine interrompant la lecture pour cette exclamation qui trahissait ses prétentions littéraires. C’est de la poésie, en vérité. Relisez-moi cette description, mademoiselle Nickleby. »

Catherine obéit.

« Quelle douceur ! dit Mme Wititterly avec un soupir. Quelle volupté, n’est-ce pas ? quelle mollesse !

— Oui, je trouve aussi, répliqua doucement Catherine, c’est plein de mollesse !

— Fermez le livre, mademoiselle Nickleby, dit Mme Wititterly. Je ne pourrais plus rien entendre aujourd’hui. Je regretterais de gâter l’impression de cette description ravissante. Fermez le livre. »

Catherine ne se fit pas prier deux fois ; et pendant qu’elle le fermait, Mme Wititterly, soulevant son lorgnon d’une main languissante, trouva que sa lectrice était bien pâle.

« C’est un reste de la peur que m’a fait ce… ce bruit et cette confusion d’hier au soir, dit Catherine.

— Quelle drôle de chose ! s’écria Mme Wititterly avec un air de surprise. » Et vraiment, en effet, quand on y pense, n’est-ce pas bien drôle qu’une demoiselle de compagnie se permette d’avoir aussi des émotions ? Aussi Mme Wititterly n’aurait pas regardé avec plus de curiosité quelque machine à vapeur, ou quelque autre pièce ingénieuse d’un mécanisme extraordinaire.

« Comment donc avez-vous fait la connaissance de lord Frédérick et de ces autres délicieuses créatures, mon enfant ? demanda Mme Wititterly, toujours l’œil fixé sur Catherine à travers son lorgnon.

— Je les ai rencontrés chez mon oncle, dit Catherine vexée contre elle-même de sentir la rougeur lui monter au visage, sans pouvoir retenir le sang qui se portait violemment à sa tête toutes les fois qu’elle pensait à cet homme.

— Y a-t-il longtemps que vous les connaissez ?

— Non, répondit Catherine, il n’y a pas longtemps.