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qu’il put y rencontrer, que ces deux messieurs des premières loges, qu’ils voyaient en train de causer avec Mme Wititterly, étaient l’illustre lord Frédérick Verisopht avec son plus intime ami, l’aimable sir Mulberry Hawk. En recevant cette confidence, il y eut plusieurs respectables mères de famille qui en furent dévorées de jalousie et de rage, et seize demoiselles à marier qui en furent presque réduites au désespoir.

Enfin la soirée finit, mais Catherine eut encore le dégoût de se voir reconduire en bas par cet homme qu’elle détestait, sir Mulberry ; et MM. Pyke et Pluck manœuvrèrent encore avec tant d’habileté, qu’elle et le baronnet se trouvèrent à quelque distance en arrière de la société, comme par un pur effet du hasard.

« Ne vous pressez pas, ne vous pressez pas, » dit sir Mulberry en voyant Catherine hâter le pas et se disposer à quitter son bras.

Elle ne répondit pas, mais elle ne fit que marcher plus vite.

« Qu’est-ce que vous faites donc ? dit froidement sir Mulberry en l’arrêtant tout court.

— Ne cherchez pas à me retenir, monsieur, dit Catherine courroucée.

— Et pourquoi pas ? repartit sir Mulberry, pourquoi donc, ma belle enfant ? voulez-vous faire croire que vous êtes fâchée ?

— Faire croire ! répéta Catherine indignée : comment avez-vous l’audace de me parler, monsieur, de vous adresser à moi, de paraître en ma présence ?

— Vous n’êtes jamais si jolie que quand vous êtes en colère, miss Nickleby, dit sir Mulberry se baissant pour mieux la voir en face.

— Tenez, monsieur, dit Catherine, je n’ai pour vous que le plus profond sentiment de haine et de mépris. Si vous trouvez en effet du plaisir à voir un regard de dégoût et d’aversion, vous pouvez… Mais laissez-moi rejoindre ma société, monsieur, à l’instant : quelles que soient les considérations qui m’ont retenue jusqu’ici, je les sacrifierai toutes, pour faire un éclat auquel vous, vous-même, vous ne serez pas insensible, si vous ne me laissez pas immédiatement descendre. »

Sir Mulberry ne fit que sourire, la regarder de plus près encore et retenir son bras en s’avançant doucement vers la porte.

« Si vous continuez, sans respect pour mon sexe ou pour ma situation qui me laisse sans protection, cette persécution lâche et grossière, dit Catherine, sans trop savoir ce qu’elle disait,