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bien y être pour quelque chose. Peu de jours après mon mariage, je suis allée avec mon pauvre cher M. Nickleby, de Birmingham à Strassord, en chaise de poste. Était-ce bien une chaise de poste ? dit Mme Nickleby réfléchissant. Oui, ce devait être une chaise de poste, car je me rappelle très bien avoir fait la remarque, à cette époque, que le conducteur avait un garde-vue vert sur l’œil gauche. Nous partîmes donc en chaise de poste pour Birmingham, et, après avoir visité la tombe et la maison natale de Shakespeare, nous retournâmes à l’auberge du lieu où nous passâmes la nuit ; et je me souviens que, pendant toute cette nuit-là, je ne fis autre chose que de rêver d’un monsieur tout noir, de grandeur naturelle, en plâtre de Paris, avec un collet rabattu, fermé par un cordonnet à deux glands, appuyé contre un pilier d’un air rêveur ; et, lorsqu’en m’éveillant, le lendemain, j’en fis la description à M. Nickleby, il me dit que c’était exactement le portrait de Shakespeare, de son vivant ; n’était-ce pas curieux ? Stratford, je ne me trompe pas, continua Mme Nickleby réfléchissant toujours, c’était bien Stratford ; oui, c’est cela, car je me rappelle positivement que j’étais enceinte alors de mon fils Nicolas, et que j’avais eu bien peur le jour même, en voyant un de ces petits Italiens qui colportent leurs images en plâtre, et en vérité, madame, je fus bien heureuse, murmura-t-elle tout bas à l’oreille de Mme Wititterly, que mon fils, après cela, ne soit pas devenu un Shakespeare. Je tremble de penser que j’aurais pu avoir un regard. »

Quand Mme Nickleby eut fini le récit de cette anecdote plus ou moins amusante, Pyke et Pluck, toujours occupé des intérêts de leur patron, proposèrent d’emmener dans la loge voisine une partie de la société, et ils prirent si adroitement leurs mesures que Catherine, en dépit de tout ce qu’elle put dire, dut se laisser emmener par sir Mulberry Hawk. Elle fut accompagnée, il est vrai, de sa mère et de M. Pluck ; mais la bonne dame se flattait d’avoir trop de discrétion pour ne pas détourner les yeux pendant toute la soirée, tout entière, en apparence, absorbée par les plaisanteries et la conversation de M. Pluck, qui, de son côté, placé précisément auprès de Mme Nickleby en sentinelle, pour l’occuper d’autre chose, fit toutes sortes de frais pour captiver son attention.

Lord Frédérick Verisopht resta dans la loge d’à côté pour essuyer la conversation de Mme Wititterly, et on lui laissa M. Pyke pour placer de temps en temps un mot quand il serait nécessaire. Quant à M. Wititterly, il avait bien assez à faire d’aller dans toute la salle informer ceux de ses amis et connaissances