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de violence qu’elle devint d’une pâleur extrême et montra les symptômes d’une agitation subite. Mme Nickleby, qui s’en aperçut aussitôt, ne manqua pas, avec sa pénétration ordinaire, d’en attribuer intérieurement la cause à un amour violent : mais, toute charmée qu’elle était de cette découverte, qui faisait tant d’honneur à son coup d’œil vif et sûr, sa tendresse maternelle n’en fut pas moins émue, et, par conséquent, elle se mit à quitter sa loge avec toutes sortes de simagrées pour passer précipitamment dans celle de Mme Wititterly. Mme Wititterly, de son côté, ravie de la glorieuse pensée qu’elle pouvait compter parmi ses visiteurs un lord et un baronnet, fit signe à M. Wititterly d’ouvrir la porte sans perdre de temps ; et leur loge, en moins de trente secondes, fut envahie par la société de Mme Nickleby, qui la remplit jusqu’à la porte, où MM. Pyke et Pluck n’avaient que la place, et bien juste, de passer leur tête et leur gilet blanc.

« Ma chère Catherine, dit Mme Nickleby embrassant sa fille, avec une vive tendresse ; comme vous aviez mauvaise mine tout à l’heure ! Je vous assure que vous m’avez fait peur.

— C’était imagination toute pure, ma mère, la… la… réflexion des bougies peut-être, répliqua Catherine, jetant autour d’elle des regards troublés et ne sachant comment donner tout bas à sa mère un avis ou une explication qui ne fût pas entendu de tout le monde.

— Je crois que vous n’avez pas vu sir Mulberry Hawk, ma chère. »

Catherine s’inclina à peine et tourna la tête du côté de la scène en se mordant les lèvres.

Mais sir Mulberry Hawk n’était pas homme à se laisser rebuter pour si peu, il avança la main à laquelle miss Nickleby fut bien obligée de tendre la sienne, sur l’observation que lui en fit sa mère. Sir Mulberry, en la serrant, murmura une foule de compliments que Catherine, au souvenir de leur dernier entretien, considéra comme autant d’aggravations de l’insulte qu’il lui avait faite alors. Il fallut ensuite reconnaître à son tour lord Verisopht et essuyer les salutations de M. Pyke et de M. Pluck. Enfin, comme si ce n’était pas assez, elle se vit obligée, sur la demande de Mme Wititterly, de passer à la présentation officielle de tous ces odieux personnages, dont la vue ne lui inspirait que de l’indignation et de l’horreur.

« Mme Wititterly est charmée, dit M. Wititterly en se frottant les mains, charmée, je vous assure, milord, de lier avec vous aujourd’hui une connaissance qui ne fera, j’espère, milord, que