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berry Hawk, de Mulberry-Château, Galles du Nord, a épousé Catherine, fille unique de feu Nicolas Nickleby, esquire, de Devonshire… En vérité, cria Mme Nickleby ; interrompant son rêve, voilà qui résonne tout à fait bien à l’oreille ! »

Après avoir accompli, toujours en idée, la cérémonie, sans oublier les plaisirs qui la suivent, le tout à son parfait contentement, l’ardente imagination de Mme Nickleby lui représenta la longue suite d’honneurs et de distinctions qui allaient pleuvoir sur Catherine dans sa nouvelle condition, dans sa sphère brillante. D’abord elle allait être présentée à la cour, cela va sans dire. Puis à l’anniversaire de sa naissance, le dix-neuf juillet (à trois heures dix minutes du matin, par parenthèse, car elle se rappelait bien avoir demandé l’heure au moment même), sir Mulberry donnait un grand festin à tous ses fermiers et ses tenanciers, et leur faisait la remise de trois pour cent sur le montant du dernier semestre, comme on ne manquait pas d’en faire l’observation avec éloge dans le Times, au chapitre des nouvelles du grand monde, pour la plus grande satisfaction des lecteurs émerveillés d’une telle largesse. Puis le portrait de Catherine se trouvait dans une demi-douzaine au moins de calendriers élégants, avec un petit poème en regard, imprimé en mignonne :

vers inspirés par la contemplation du portrait de lady
mulberry hawk, par sir dingleby dabber
.

Peut-être même l’un de ces almanachs, un peu plus étendu que les autres, contiendrait aussi un portrait de la mère de lady Mulberry Hawk, avec des vers en son honneur, par le père de sir Dingleby Dabber. On a vu des choses plus extraordinaires, et des portraits moins intéressants. À cette pensée rapide, la bonne dame prenait à son insu une expression de physionomie souriante et languissante, caractère obligé de tous ces portraits, et qui contribue peut-être à les rendre tous si charmants et si agréables.

C’est à bâtir tous ces châteaux en l’air, dans son imagination triomphante, que Mme Nickleby occupa sa soirée entière, après avoir eu l’honneur de se voir présenter les amis titrés de Ralph. Et la nuit son sommeil s’en ressentit, car elle n’eut que des rêves prophétiques, dorés comme ses rêves du soir. Le lendemain elle était en train de préparer son dîner frugal, toujours sous l’empire des même idées, un peu décolorées pourtant par le sommeil et le grand jour, quand la bonne qu’elle avait prise, tant pour lui