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— Ah ! bon Dieu ! non, répondit Mme Nickleby en jetant un coup d’œil sur la pendule.

— Lord Frédérick, dit sir Mulberry, nous allons du côté de Mme Nickleby ; si vous voulez, nous la mettrons dans l’omnibus.

— C’est cela, ou…i.

— Ah ! vraiment je crains de vous gêner, » dit Mme Nickleby.

Mais sir Mulberry Hawk et lord Verisopht ne voulurent pas entendre parler de la laisser aller seule, et, prenant congé de Ralph, qui paraissait croire, avec raison, qu’il n’avait rien de mieux à faire, pour ne pas ajouter au ridicule de sa situation, que de rester simple spectateur de leur combat de politesse, ils quittèrent la maison en mettant entre eux deux Mme Nickleby. Quant à la bonne dame, rien ne pourrait dépeindre dans quelle extase de satisfaction l’avaient mise les attentions des deux gentlemen titrés, et la conviction que Catherine n’avait plus qu’à se baisser et en prendre, avec le choix entre deux fortunes brillantes et deux maris des mieux qualifiés.

Pendant qu’elle se berçait à plaisir dans le cours irrésistible de ses pensées ambitieuses, et qu’elle lisait dans l’avenir la grandeur future de sa fille, sir Mulberry Hawk et son ami échangeaient des regards moqueurs par-dessus son chapeau, ce chapeau qu’elle avait tant de regret de n’avoir pas laissé chez elle, et ne tarissaient pas en admiration respectueuse sur les perfections infinies de Mlle Nickleby.

« Quelles jouissances, quelles consolations, quel bonheur vous devez trouver dans la société de cette aimable personne ! disait sir Mulberry en donnant à sa voix l’accent de la plus tendre émotion.

— C’est vrai, monsieur, répondit Mme Nickleby, c’est bien la meilleure créature, le cœur le plus dévoué, l’esprit le plus…

— Oui, elle a l’air d’en avoir beaucoup, de l’esprit, dit lord Verisopht avec l’air d’un connaisseur en fait d’esprit.

— Pour cela, je puis vous en répondre, milord, continua Mme Nickleby. Quand elle était à sa pension, en Devonshire, on la regardait généralement comme celle qui en avait le plus, sans exception, et, certainement, il n’en manquait pas d’autres qui en avaient beaucoup aussi, vous pouvez croire. Vingt-cinq demoiselles, toutes payant douze cent cinquante francs par an, non compris les mémoires, avec les deux demoiselles Dowdles, les plus charmantes femmes, les plus élégantes, les plus séduisantes… Mon Dieu ! ajoutait Mme Nickleby, je n’oublierai jamais la satisfaction qu’elle nous donnait, à son pauvre cher père et à moi, quand elle était à sa pension ; jamais je n’oublierai la