Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dérick … Prenez garde au pas, milord… Sir Mulberry, laissez passer, je vous prie. »

Avec force révérences bien humbles, force politesses de ce genre, et toujours avec le même ricanement sur la face, Ralph se mit en devoir de reconduire ses visiteurs jusqu’au bas de l’escalier. Et pendant tout le temps, rien qu’un léger mouvement de dédain caché dans le coin de ses lèvres ne pouvait faire croire qu’il eût remarqué l’air étonné dont sir Mulberry Hawk semblait le complimenter de l’assurance et de l’habileté avec laquelle il soutenait son personnage en coquin achevé.

Avant de se séparer, ils avaient entendu sonner à la porte, et Noggs venait d’ouvrir au moment où ils arrivaient dans le vestibule. En toute autre circonstance, Newman Noggs se serait contenté de recevoir le nouveau venu en silence, ou l’aurait prié seulement de se ranger pour laisser passer la société. Mais il n’eût pas plutôt vu qui c’était, que, pour des raisons à lui connues, il se départit hardiment de la règle établie dans la maison de Ralph pendant les heures d’affaires, pour crier, d’une voix claire et sonore, en regardant venir le respectable trio : « Mme Nickleby !

— Mme Nickleby ! » cria sir Mulberry Hawk, pendant que son ami se retournait pour le regarder en face d’un air étonné.

En effet, c’était bien la bonne dame qui, toujours obligeante, venait, tout essoufflée, apporter sans retard à M. Nickleby la proposition d’un locataire qui s’était présenté pour louer la maison vacante qu’elle occupait dans la Cité.

« C’est quelqu’un que vous ne connaissez pas, dit Ralph. Entrez au bureau, ma… ma chère ; je suis à vous à l’instant.

— Quelqu’un que je ne connais pas ! cria sir Mulberry faisant un pas vers la dame, surprise de cette démarche. N’est-ce pas Mme Nickleby, la mère de Mlle Nickleby, cette délicieuse personne que j’ai eu le bonheur de voir ici la dernière fois que j’y ai dîné ? Mais non, je me trompe, ajouta sir Mulberry s’interrompant ; non, cela ne peut pas être : ce sont bien les mêmes traits, le même air incomparable de… Mais non, non, madame est trop jeune pour cela.

— Il me semble, mon beau-frère, dit Mme Nickleby en répondant au compliment par une salutation pleine de grâce, que vous pourriez dire à monsieur, s’il tient à le savoir, que Catherine Nickleby est bien ma fille.

— Sa fille ! milord, cria sir Mulberry en se tournant vers son ami ; la fille de madame, milord !