Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/366

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais la vérité, c’est que, depuis le dîner chez Ralph Nickleby, sir Mulberry Hawk avait essayé secrètement tous les moyens en son pouvoir pour découvrir d’où Catherine était venue et où elle était retournée le jour de cette apparition et de cette disparition subites. Or, ne pouvant s’adresser à Ralph, avec qui il n’avait eu aucune relation depuis qu’ils s’étaient séparés assez mal à cette occasion, tous ses efforts échouèrent complètement, et c’est ce qui l’avait déterminé à confier en substance au jeune lord l’aveu qui était échappé à l’honorable usurier. Il y fut encouragé par plusieurs considérations, et en particulier par le désir de s’assurer adroitement de tout ce que le jeune homme pouvait avoir appris lui-même. À la vérité, le désir de se retrouver avec la nièce de Nickleby, de faire feu de toutes ses batteries pour réduire son orgueil et se venger de son mépris, dominait en lui toute autre pensée. Mais c’était de sa part une tactique habile et qui ne pouvait tourner qu’à son avantage sous tous les rapports, que cette circonstance d’avoir arraché à Ralph Nickleby l’aveu de son intention secrète en appelant sa nièce en pareille société, rapprochée du désintéressement manifeste avec lequel il en faisait franchement confidence à son ami. Cela ne pouvait que servir puissamment ses intérêts de ce côté, et par conséquent faciliter de plus en plus le passage déjà fréquent et rapide de l’argent de lord Frédérick Verisopht des poches de ce jeune fou dans celles de sir Mulberry Hawk.

Ce n’était pas mal raisonner, et, par suite de ce raisonnement, son ami et lui furent bientôt prêts à se rendre chez Ralph Nickleby pour y exécuter un plan d’opérations de l’invention de sir Mulberry lui-même, destiné en apparence à servir la passion du lord, mais en réalité à satisfaire la sienne.

Ils trouvèrent Ralph chez lui et seul. En les faisant entrer dans le salon, le souvenir de la scène qui s’y était passé sembla lui revenir dans la pensée, car il jeta sur sir Mulberry un regard singulier auquel l’autre ne répondit que par un sourire des plus insignifiants.

Ils commencèrent par un court entretien sur leurs affaires d’argent ; après quoi, fidèle aux instructions de son ami, le jeune lord pria Ralph, avec un peu d’embarras, de lui donner quelques moments d’entretien particulier.

« Ah ! s’écria sir Mulberry simulant la surprise, vous voulez être seuls ; très-bien ! très-bien ! je m’en vais passer dans la chambre voisine : seulement ne me laissez pas là trop longtemps. »

Sir Mulberry mit son chapeau et disparut, en fredonnant un