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de la table au parquet. Cependant, sans tenir compte de cette circonstance, Mme Lillyvick se refusa à rien entendre avant qu’on eût fait jurer aux deux champions que les choses n’iraient pas plus loin, ce qu’ils consentirent à faire après une défense honorable ; et, à partir de ce moment, M. Folair resta à bouder sur sa chaise, se contentant de pincer Nicolas à la jambe toutes les fois que l’autre disait quelque chose. C’était une manière d’exprimer son mépris, et pour la personne et pour les sentiments de l’orateur.

Il y eut ensuite un grand nombre de discours prononcés, les uns par Nicolas, les autres par Crummles, d’autres par le percepteur, chacun des fils Crummles fit le sien par forme de remerciements. Le phénomène, au nom des filles d’honneur, en adressa un aussi à la mariée, et c’est celui-là qui fit verser des larmes à Mme Crummles. On chanta un peu. Mlle Ledrook et Mlle Bravassa se livrèrent à cet exercice, et vraisemblablement on ne s’en serait pas tenu là, si le cocher de la citadine, qui attendait à la porte pour emporter l’heureux couple à l’endroit où il devait prendre le bateau à vapeur de Ryde, n’avait pas fini par envoyer un message péremptoire déclarant que, s’ils ne venaient pas tout de suite, il ne manquerait pas d’exiger un franc quatre-vingt centimes en sus du prix convenu.

Cette menace effrayante fut le signal de la séparation. Après les adieux les plus pathétiques, M. Lillyvick et son épouse partirent pour Ryde où ils devaient passer le lendemain et le surlendemain, dans une retraite absolue, accompagnés seulement de l’enfant phénoménal qui avait été choisie, sur la demande expresse de M. Lillyvick, en qualité de fille d’honneur accompagnadour. La vérité est que M. Lillyvick s’était assuré, en la demandant de préférence à toute autre, que les gens du bateau à vapeur, trompés par sa petite taille, ne lui feraient payer que demi-place.

Comme c’était un jour de relâche, M. Crummles manifesta l’intention de ne pas quitter la place que l’on n’eût eu raison de tout ce qui restait à boire ; mais Nicolas, qui avait à jouer le lendemain soir le rôle de Roméo pour la première fois, réussit à s’esquiver dans un moment de confusion déterminée par le développement inattendu des symptômes d’ivresse les moins équivoques de la part de Mme Grudden.

En désertant ainsi le poste, il ne céda pas seulement à son goût, mais il n’était pas sans inquiétude sur le compte de Smike qui avait à remplir le rôle de l’apothicaire, et qui n’avait encore pu réussir à se mettre rien dans la tête de cette création de