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« Se pendre ! cria encore une fois M. Lillyvick. Serait-ce un parallèle que vous entendriez établir ici entre le mariage et la pendaison ?

— Le nœud coulant, vous savez, dit M. Folair un peu dans ses petits souliers.

— Le nœud coulant, monsieur ! reprit M. Lillyvick ; qu’est-ce qui ose me parler de nœud coulant et d’Henriette Peto…

— Lillyvick, Lillyvick, lui souffla M. Crummles.

— Et d’Henriette Lillyvick à côté l’un de l’autre ? dit le percepteur. Quoi ! c’est dans cette maison, en présence de M. et de Mme Crummles, qui ont élevé une famille, modèle de talents et de vertus, pour en faire des anges et des phénomènes, qu’on viendra nous parler de nœuds coulants !

— Folair, dit M. Crummles, croyant qu’il était dans la décence de son rôle de se montrer touché de cette allusion à sa personne et à celle de son épouse, je ne m’attendais pas à cela de votre part.

— Tiens ! vous aussi, dit l’acteur infortuné. Ah çà, qu’ai-je donc fait ?

— Ce que vous avez fait, monsieur ! cria M. Lillyvick, vous avez visé la société au cœur.

— Et vous avez du même coup blessé les meilleurs et les plus tendres sentiments, ajouta Crummles, fidèle à son personnage de père noble.

— Et les liens les plus importants et les plus estimables de l’ordre social, dit le percepteur. Nœud coulant ! comme si le mariage était un piège où l’on se fait prendre, attraper, lier par la patte, au lieu d’en faire un engagement réciproque, libre et glorieux.

— Mon intention n’était pas de vous dire que vous aviez été pris au piège, attrapé et lié à la patte, répondit l’acteur ; j’en suis fâché, que voulez-vous que je vous dise ?

— Et vous avez raison de l’être, monsieur, continua Lillyvick ; et je suis charmé de voir qu’il vous reste encore assez de bons sentiments pour cela. »

Cette réplique dut devoir terminer la querelle. Mais Mme Lillyvick avait réfléchi qu’elle ne pouvait pas trouver une meilleure occasion (maintenant que l’attention de la compagnie n’avait plus d’autre objet) pour verser des torrents de larmes, et réclamer les soins des quatre filles d’honneur, qui coururent en effet à son secours ; seulement ce ne fut pas sans quelque confusion, car la chambre étant très petite et la nappe très longue, le premier mouvement de ces dames entraîna un régiment d’assiettes