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« Eh bien ! vous trouvez-vous un peu mieux, ma bonne amie ? demanda Mlle Snevellicci.

— Oh ! Lillyvick, cria la fiancée, si vous saviez toute la grandeur du sacrifice que je vais faire pour vous !

— Va, va, ma chère, il le sait bien, et il ne l’oubliera pas, dit Mlle Ledrook.

— En êtes-vous bien sûre ? criait toujours Mlle Petowker, qui montrait réellement de grandes dispositions pour jouer la comédie, en êtes-vous bien sûre ? croyez-vous que Lillyvick se le rappellera toujours… toujours… toujours… toujours ?… »

Personne ne peut dire où se serait arrêté ce transport de sensibilité, si Mlle Snevellicci n’avait pas annoncé au moment même l’arrivée d’une citadine. La fiancée fut tellement étourdie de cette nouvelle, qu’elle réprima immédiatement divers symptômes alarmants qui continuaient d’être très violents, courut à la glace pour donner à sa toilette un dernier coup d’œil, et déclara avec calme qu’elle était prête à marcher au sacrifice.

En conséquence, on la porta plutôt qu’on ne la conduisit jusqu’à la voiture ; et là on la soutint, comme disait Mlle Snevellicci, en lui faisant continuellement respirer un flacon de sels volatils, et continuellement déguster un flacon de cognac avec quelques autres stimulants de même nature ; tant qu’enfin elles arrivèrent à la porte du directeur, déjà ouverte par les deux jeunes Crummles, qui portaient des cocardes blanches et qui s’étaient parés des gilets les plus distingués et les plus resplendissants de toute la garde-robe théâtrale. Les efforts combinés de ces deux messieurs et des filles d’honneur, assistés par le cocher, finirent par déposer miss Petowker, dans un état d’épuisement inquiétant, sur le palier du premier étage ; mais là, elle n’eut pas plutôt rencontré les yeux de son jeune fiancé, qu’elle se trouva mal, comme le voulait le décorum de la circonstance.

« Henriette Petowker ! dit le percepteur, allons, remettez-vous, ma belle amie. »

Miss Petowker eut la force de se cramponner à la main du percepteur ; mais elle n’eut pas la force de dire un mot : elle était trop émue.

« Quoi ! je vous fais donc bien peur, Henriette Petowker, dit le percepteur.

— Oh ! non, non, non, répondit la fiancée ; mais tous les amis, les chers petits amis des jours de ma jeunesse, les abandonner tous ; quel coup terrible ! »

Après ces expressions générales de chagrin, miss Petowker se