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du vieux monsieur, à son lit de mort, soit plutôt par la négligence impardonnable de ses parents. Ce point n’était pas éclairci. Cette femme de proscrit se trouvait, je ne sais comment, en relation avec un patriarche, qui demeurait dans un vieux château bien loin, bien loin. Le patriarche, de son côté, se trouvait être le père de plusieurs de ces messieurs et dames de la pièce, mais il ne savait pas précisément lesquels, incertain qu’il était si c’étaient les bons ou les mauvais qu’il avait élevés dans son château ; quoiqu’au fond il penchât plutôt pour cette dernière opinion. Dans cet état de malaise, il veut se récréer un peu par un banquet, pendant lequel quelqu’un vient, enveloppé dans un manteau, troubler son divertissement, en criant : « Garde à vous ! » Ce quelqu’un-là n’était connu de personne (excepté de toute la salle, qui savait bien, elle que c’était le proscrit lui-même, venu là pour des raisons restées inexpliquées, peut-être aussi pour chiper les couverts).

Il y avait aussi de petites surprises tout à fait agréables, sous forme de dialogues d’amour entre le captif au désespoir et Mlle Snevellicci, ou bien encore entre le combattant comique et Mlle Bravassa. De plus, M. Lenville avait plusieurs scènes tragiques dans les ténèbres de la nuit, pendant ses expéditions de coupe-jarret. Mais rien n’égalait l’adresse et la bravoure du combattant comique, qui savait, je ne sais comment, tout ce qui se disait dans la pièce : ni l’intrépidité de Mlle Snevellicci, qui, après avoir passé un pantalon collant, se rendait, dans cet équipement, à la prison de son amant captif, portant à la main un panier de rafraîchissements et une lanterne sourde. À la fin on découvre que le patriarche était précisément l’homme qui avait traité avec si peu de façons les os du beau-père proscrit. Aussi la dame de ce dernier, à telle fin que de raison, va le trouver dans son château pour le tuer ; elle se glisse à tâtons dans l’ombre d’une pièce obscure, où ils s’attrapent tous les uns après les autres, se prenant les uns pour les autres. Jugez de la confusion ! coups de pistolet, mort d’homme, lueur de torches : après quoi le patriarche fait quatre pas en avant, pour faire observer, d’un air fin, qu’il connaît très bien maintenant ses enfants, et ne manquera pas de le leur dire, quand ils vont être rentrés. En attendant, il ne peut pas trouver une meilleure occasion que celle-là pour marier le jeune couple agonisant. Il unit donc leurs mains avec le plein et entier agrément du page infatigable qui, se trouvant être à présent le seul personnage vivant de la pièce, montre le ciel du bout de son bonnet qu’il tient à la main droite, et la terre de sa main gauche, implore la bénédiction divine et fait