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— Un homme un peu difficile pourrait bien la trouver un peu petite, dit Nicolas ; car enfin c’est sans doute un grand avantage d’avoir tout sous sa main, au plafond, sur le plancher, ou sur les quatre murailles, sans être obligé de se déranger de sa chaise, mais c’est un avantage qu’on ne peut avoir que dans un appartement un peu étroit.

— Je ne le trouve pas du tout trop resserré pour un célibataire, reprit M. Lenville. Tiens ! cela me rappelle que je ne le suis pas : et ma femme, monsieur Johnson, j’espère que vous lui ménagez un bon rôle dans votre pièce ?

— J’ai jeté un coup d’œil sur le texte français hier au soir, dit Nicolas, le rôle est bon.

— Et moi, mon vieux camarade, qu’est-ce que vous ferez pour moi ? demanda M. Lenville, portant une botte au feu qui n’en pouvait mais, avec le bout de sa canne, et l’essuyant avec le pan de son habit.

« Vous savez, il me faut du grognard et du bourru.

— Eh bien, mon cher, dit Nicolas, je vous fais mettre à la porte votre femme et vos enfants, puis, dans un accès de rage et de jalousie, vous poignardez votre fils aîné dans votre cabinet de travail.

— Quoi ! c’est moi qui fais ça, s’écria M. Lenville, c’est charmant, à la bonne heure !

— Après quoi, dit Nicolas, vous êtes poursuivi par vos remords, jusqu’au dernier acte, où vous vous décidez à vous détruire : mais, juste au moment où vous levez le pistolet vers votre tête, une horloge sonne une, deux, trois… dix heures.

— Ah ! je vois, s’écria M. Lenville, c’est parfait.

— Vous vous arrêtez, dit Nicolas ; vous vous rappelez avoir entendu dans votre enfance une horloge sonner une, deux, trois… dix ; le pistolet vous tombe des mains ; vous ne pouvez plus y tenir, vous fondez en larmes, et vous devenez à tout jamais le modèle de la plus pure vertu.

— Excellent ! dit M. Lenville ; la partie est sûre, succès complet ; faites seulement baisser la toile sur une donnée de ce genre-là et je vous garantis un triomphe certain.

— Et moi, avez-vous quelque chose de bon pour moi ? demanda M. Folair, d’un air inquiet.

— Voyons, dit Nicolas ; vous, vous jouez le serviteur fidèle et dévoué ; c’est vous qu’on met à la porte avec la femme et l’enfant.

— Toujours accouplé avec cet infernal phénomène, dit M. Folair en soupirant ; et puis alors, n’est-ce pas, nous allons de-