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— Ne donnez-vous pas des leçons, madame ? demanda Nicolas.

— Si fait, dit Mme Crummles.

— Il n’y en a pas ici, je suppose ?

— J’en ai eu, dit Mme Crummles ; j’ai reçu ici des élèves ; j’ai été la maîtresse de la fille d’un marchand qui tenait la partie des biscuits de mer, mais on sut plus tard que la première fois qu’elle vint me trouver elle avait perdu la tête : c’est très extraordinaire, n’est-ce pas, que de songer, dans ce cas, à venir me demander de lui donner des leçons ? »

Nicolas, qui ne trouvait pas la chose trop extraordinaire, crut à propos de ne rien dire.

« Voyons, dit le directeur réfléchissant à ses affaires après le dîner, joueriez-vous bien quelque joli petit rôle avec notre enfant ?

— Vous êtes bien bon, s’empressa de répondre Nicolas ; mais je pense qu’il vaudrait peut-être mieux, pour commencer, me donner quelqu’un de mieux assorti à ma taille ; dans le cas où je viendrais à me troubler, il me semble que je me sentirais plus à mon aise.

— C’est vrai, dit le directeur, il faut tout prévoir ; et puis cela vous donnera le temps de mieux vous préparer à pouvoir jouer un jour avec l’enfant, vous sentez.

— Certainement, répliqua Nicolas embrassant avec ardeur l’espérance qu’il se passerait encore bien du temps avant qu’il fût honoré d’une telle faveur.

— Alors je vais vous dire ce que nous ferons, dit M. Crummles : quand vous aurez composé cette pièce… à propos, n’oubliez pas d’y mettre la pompe et les cuviers… vous étudierez Roméo ; Juliette sera miss Snevellicci ; la vieille Grudden fera la nourrice. Oui, cela ira à merveille. Ah ! le pirate donc ? Vous pourrez, par la même occasion, étudier le pirate, et Cassio et Jérémie Diddler ; il ne vous sera pas bien difficile de vous fourrer cela dans la tête : un rôle aide l’autre, c’est toujours la même chose, les répliques, les gestes et tout. »

M. Crummles, après ces instructions un peu précipitées et passablement générales, jeta une foule de petits livres dans les mains défaillantes de Nicolas abasourdi : puis, ordonnant à son fils aîné d’accompagner le jeune homme pour lui faire voir des logements, il lui donna une poignée de main et lui souhaita le bonsoir.

Il ne manque pas à Portsmouth de bons appartements meublés ; il n’est même pas difficile d’en trouver qui soient proportionnés