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qui ont des neveux militaires, et qui sont toujours à les poursuivre, la canne haute, pour les forcer à épouser des héritières. Après cela venait une espèce d’aventurier en redingote à long poil, qui se promenait à grands pas le long de la rampe, faisant le moulinet avec sa badine, et marmottant à demi-voix, avec une grande vivacité, des tirades destinées à l’amusement d’un auditoire imaginaire. Il n’était plus si jeune qu’autrefois, et sa taille commençait à monter en graine. Mais il avait dans sa personne un air éventé qui annonçait en lui le héros des rodomontades. Il y avait encore un petit groupe de trois ou quatre jeunes gens aux joues creuses, aux sourcils épais, qui faisaient la conversation dans un coin. Mais c’étaient apparemment des personnages d’importance secondaire : on les laissait rire et causer ensemble, sans y faire la moindre attention.

Les dames étaient réunies en un petit peloton, toutes seules, autour de la table rachitique déjà nommée. On voyait Mlle Snevellicci, également propre à tous les emplois, depuis la danse des sorcières jusqu’au rôle de Lady Macbeth, et qui paraissait toujours en culotte courte de soie bleu ciel, dans les représentations à son bénéfice. Du fond de son chapeau de paille, en forme de seau à charbon de terre, elle faisait des yeux à Nicolas, quoique absorbée en apparence dans le récit d’une histoire divertissante qu’elle confiait à Mlle Ledrook, son amie. Mlle Ledrook, de son côté, avait apporté son ouvrage, et s’occupait, de l’air le plus naturel du monde, à monter une collerette. Après cela, Mlle Belawney. Cette demoiselle prétendait rarement à des rôles parlants ; on ne la voyait guère paraître sur la scène qu’en page à culotte de soie blanche, une jambe tendue avec grâce en avant, les yeux braqués sur la cantonade, à moins qu’elle n’entrât et sortît à la suite de M. Crummles dans la haute tragédie. Pour le moment, elle tortillait les boucles de cheveux de la belle Mlle Bravassa, qui avait eu autrefois son portrait gravé sur acier par un apprenti graveur ; on en mettait même en vente des exemplaires pendus à la fenêtre du pâtissier et de la fruitière, au cabinet de lecture, et au bureau des places, toutes les fois que les affiches annonçaient la représentation annuelle à son bénéfice. Puis Mme Lenville, avec son petit chiffon de chapeau à voile, arrangé précisément dans le goût coquet qu’elle savait propre à lui gagner le cœur de M. Lenville. Ensuite, Mlle Gazingi avec un boa, imitation d’hermine, noué négligemment autour de son cou, et dont les deux bouts lui servaient à corriger, pour de rire, M. Crummles junior. Enfin, n’oublions pas Mme Grudden en pelisse de drap brun et en chapeau de