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personne n’a à se plaindre. J’entre seulement dans quelques détails pour montrer que vous n’êtes pas une personne comme une autre ; qu’il y a un frottement perpétuel entre votre esprit et votre corps, et que vous avez besoin d’être calmée et choyée. À présent, il nous reste à nous informer positivement et avec exactitude des garanties que mademoiselle présente pour cet emploi. »

Il fallut donc, pour répondre à cette question, recommencer à nouveau la liste des qualités et des talents de Catherine, le tout interrompu par les interrogatoires de M. Wititterly. Enfin, il fut décidé qu’on irait aux informations et qu’on adresserait à Mlle Nickleby une réponse définitive, d’ici à deux jours, sous le couvert de son oncle. Une fois convenus de leurs faits, le page reconduisit ces dames jusqu’à la fenêtre de l’escalier, où le gros valet de pied était de faction pour le relever et pour piloter ces dames saines et sauves jusqu’à la porte.

« Voilà des gens très distingués, évidemment, dit Mme Nickleby, en prenant le bras de sa fille. Quelle personne supérieure que cette Mme Wititterly !

— Vous trouvez, maman ? répliqua seulement Catherine.

— Comment ! Et qui donc ne le trouverait pas, ma chère Catherine ? Seulement, elle est bien pâle et paraît bien épuisée. J’espère qu’elle ne touche pas encore à sa fin, mais j’en ai bien peur. »

Ces réflexions plongèrent naturellement la prévoyante mère dans une série de calculs de probabilités sur le temps que Mme Wititterly pouvait avoir encore à vivre, sur les chances qu’il y avait pour que le veuf inconsolable offrît sa main à Catherine. Elle n’était pas encore rentrée chez elle, qu’elle avait déjà affranchi l’âme de Mme Wititterly de ses liens terrestres ; marié sa fille en grande pompe à Saint-George, Hanover-Square ; elle n’avait plus qu’un point à résoudre, mais il n’était pas d’importance, à savoir si le magnifique bois de lit en acajou, vernis français, qu’on lui destinait à elle-même, serait dressé pour elle, au second, sur le derrière de la maison de la place Gadogar, ou au troisième, sur le devant. Entre les deux son cœur balançait encore ; elle s’en tira sagement en prenant le parti de s’en rapporter à la décision de son gendre.

Informations prises, la réponse fut favorable, ce qui ne veut pas dire que Catherine en fût bien joyeuse ; et au bout de la semaine, elle se transporta avec tous ses biens, meubles et valeurs, à l’hôtel de Mme Wititterly, où nous la laisserons pour le moment.