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pas en lui-même, mais qu’il tire d’une source plus élevée. Ou bien encore elle ressemble à la membrane qui unit les frères Siamois, dans laquelle circule quelque chose de la vie et de l’essence des deux jumeaux, sans qu’elle appartienne à l’un ni à l’autre.

C’est sur ce terrain ambigu que demeurait Mme Wititterly, et que Catherine Nickleby souleva le marteau d’une main tremblante, à la porte de Mme Wititterly. Le valet qui vint l’ouvrir était un gros garçon aux cheveux poudrés, ou plâtrés, ou blanchis par tout autre procédé que la poudre véritable ; et le gros valet, après avoir reçu la carte d’introduction, la donna à un petit page, si petit en effet que sa taille ne comportait pas sur deux rangs, comme d’habitude, le nombre de petits boutons indispensable au costume de tout page ; on avait été obligé de les mettre sur quatre rangs par devant. Ce jeune messager monta la carte sur une soucoupe, et, attendant son retour, Catherine et sa mère furent introduites dans une salle à manger assez malpropre et de chétive apparence, si commodément agencée qu’elle était également propre pour tous les usages, excepté pour boire et pour manger.

Maintenant, selon le cours régulier des choses et conformément à toutes les descriptions authentiques de la haute société qu’on trouve dans les livres, Mme Wititterly aurait dû se trouver dans son boudoir. Mais, soit que M. Wititterly fût en ce moment à se faire ou non la barbe dans le boudoir de madame, toujours est-il que Mme Wititterly donna audience à ses visiteuses dans le salon, bien pourvu de tout ce qui était utile et nécessaire pour protéger contre le trop grand jour la fleur délicate du teint de Mme Wititterly, y compris des rideaux et des housses d’un rose tendre. N’oublions pas un roquet accoutumé à mordre les mollets des étrangers pour amuser Mme Wititterly et le susdit page, toujours prêt à servir du chocolat pour restaurer Mme Wititterly.

La dame avait un air de douceur insipide et un teint d’une pâleur intéressante. Il y avait autour d’elle et sur elle, dans sa personne comme dans son mobilier et toute sa maison, quelque chose de fané. Elle était étendue sur un sofa, dans une attitude si naturelle qu’on aurait pu la prendre pour une danseuse, le pied levé pour entrer en scène dans un ballet, et n’attendant plus pour prendre son vol que le lever du rideau.

« Donnez des chaises. »

Le page les avança.

« Sortez, Alphonse. »