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quitter ces lieux pour voyager ensemble, avant la fin de la semaine. Eh bien ! si je tombe dans le dénuement, vous me le rendrez moins pénible en le partageant avec moi. »


CHAPITRE XXI.

Mme Mantalini se trouve dans une position assez difficile, ce qui fait que Mlle Nickleby se trouve n’avoir plus de position du tout.

Les émotions par lesquelles avait passé Catherine Nickleby l’avaient mise dans l’impossibilité de reprendre pendant trois jours ses occupations chez la maîtresse couturière. Quand elle fut remise, elle se rendit à l’heure accoutumée, d’un pas encore languissant, au temple de la mode, où Mme Mantalini tenait son sceptre souverain.

Le mauvais vouloir de Mlle Knag n’avait, dans l’intervalle, rien perdu de sa violence. Ces demoiselles continuèrent scrupuleusement de se refuser à toute relation avec leur camarade, mise au ban de l’atelier ; et, quand cette fille respectable arriva, quelques minutes après, elle ne se donna pas la peine de déguiser son mécontentement du retour de Catherine.

« Ma parole d’honneur, dit-elle à ses satellites empressées autour d’elle pour la débarrasser de son châle et de son chapeau, il y a des gens à qui je supposais au moins assez de cœur pour se retirer tout à fait en voyant quel embarras leur présence cause aux personnes honnêtes. Mais le monde est si étrange ! Oh ! certes, il faut que le monde soit bien étrange ! »

Miss Knag, après avoir fait sur le monde cette réflexion déplaisante du ton dont on parle toujours du monde quand on est de mauvaise humeur, c’est-à-dire en ayant l’air d’oublier qu’on en fait partie soi-même, finit par un profond soupir, sans doute un soupir de charitable compassion pour la perversité du genre humain.

L’assistance lui rendit aussitôt son soupir, et miss Knag s’apprêtait sans doute à les favoriser de quelques nouvelles réflexions morales, quand la voix de Mme Mantalini, apportée sur l’aile du tube de caoutchouc, manda au premier Mlle Nickleby, pour l’aider à ranger le salon d’apparat : distinction flatteuse dont Mlle Knag fut tout émue, remuant la tête avec tant de vi-