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l’ai trouvé. Plût à Dieu que je pusse découvrir quelqu’un dont il pût se réclamer par sa naissance. Fût-il sourd à tous les sentiments de la nature, je voudrais essayer au moins de le prendre par celui de la honte.

— En vérité ! dit Ralph. Eh bien, monsieur, voulez-vous me permettre de vous dire un mot ou deux ?

— Vous pouvez bien dire tout ce que vous voudrez, répondit Nicolas en embrassant sa sœur ; je fais autant de cas de vos avis que de vos menaces.

— C’est on ne peut mieux, reprit Ralph ; mais ce que j’ai à dire peut en regarder d’autres qui se croiront peut-être intéressés à m’écouter et à réfléchir à ce que je vais leur dire. Je commence par votre mère, monsieur, qui connaît le monde.

— Oh ! oui, et je voudrais de bien bon cœur ne pas le connaître, » dit Mme Nickleby avec un sanglot.

Réellement, la bonne dame avait tort de se montrer si affligée sur ce point particulier, car sa connaissance du monde était pour le moins très contestable, et c’était aussi, à ce qu’il semble, l’opinion de M. Ralph, car il ne pouvait s’empêcher de sourire en lui parlant. Il se mit donc à lancer à la mère et au fils, tour à tour, un regard assuré, en leur adressant ce discours :

« Ce que j’ai eu l’intention de faire pour vous, madame, et vous, ma nièce, je ne veux pas en dire un mot. Je ne vous avais pas fait de promesses, je m’en rapporte à vous : aujourd’hui je ne vous fais pas non plus de menaces ; mais je vous déclare que cette mauvaise tête, cet audacieux, ce libertin n’aura pas un sou de ma poche, ni un morceau de mon pain, ni la poignée de main de son oncle, n’y eût-il pas d’autres moyens de sauver son cou de la plus haute potence en Europe. Je ne veux plus le voir, où qu’il aille. Je ne veux plus entendre parler de lui. Non seulement je ne veux pas l’assister ; mais je n’assisterai pas ceux qui l’assistent. Quand il est revenu se livrer à sa paresse égoïste, pour aggraver encore vos besoins et se mettre à la charge des modestes journées de sa sœur, il l’a fait en pleine connaissance de cause ; qu’il en subisse donc toutes les conséquences. Je regrette de vous abandonner, madame, et plus encore elle, Catherine, en ce moment ; mais je me reprocherais d’encourager un tel mélange de cruauté et de bassesse ; et, comme je ne veux pas exiger de vous que vous renonciez à lui, c’est moi qui renoncerai à vous voir. »

Quand Ralph n’aurait pas connu par expérience l’effet de ces paroles de vengeance sur ceux qu’il détestait, il lui aurait suffi de regarder Nicolas, pour reconnaître dans sa physionomie toute