Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Jamais je ne croirai cela, dit Catherine indignée, jamais : il faut qu’il y ait là-dessous quelque vil complot, une fausseté trop évidente par elle-même.

— Ma chère, dit Ralph, vous faites injure au digne instituteur : d’ailleurs on n’invente pas de ces choses-là. Le brave homme a été victime de voies de fait : votre frère a disparu sans qu’on puisse le retrouver : il a emmené avec lui ce grand garçon en question. Songez à tout cela.

— C’est impossible, dit Catherine ; accuser ainsi Nicolas, et de vol encore ! Maman ! comment pouvez-vous rester tranquillement sur votre chaise à entendre de telles calomnies ? »

La pauvre Mme Nickleby, qui n’avait jamais brillé par l’intelligence et que le changement de sa fortune avait réduite à la perplexité la plus embarrassante, ne fit pas d’autre réplique à cet appel passionné que de se cacher la figure dans son mouchoir de poche, tout en s’écriant qu’elle n’aurait jamais cru cela ; échappatoire injurieuse qui pouvait laisser supposer à ses auditeurs qu’elle le croyait en effet.

« Il serait de mon devoir, si je le trouvais sur mon chemin, dit Ralph, de le livrer à la justice ; de mon devoir strict et rigoureux : comme homme du monde et comme homme d’affaires, je ne pourrais m’en dispenser. Et cependant, dit Ralph d’un air fin, en jetant un regard furtif mais assuré sur Catherine, je voudrais ménager la sensibilité de sa… de sa sœur, ainsi que de sa mère, naturellement, » ajouta-t-il, comme par réflexion et d’un ton beaucoup moins expressif.

Catherine comprit à merveille que c’était un appât à son intention, une ruse de plus pour s’assurer sa discrétion et son silence sur les événements de la veille. Elle tourna involontairement les yeux du côté de Ralph quand il cessa de parler, mais il avait lui-même déjà les siens d’un autre côté, et ne semblait pas même songer pour le moment que sa nièce fût là présente. Enfin, après un long silence, interrompu seulement par les sanglots de Mme Nickleby : « Toutes les circonstances, dit-il, concourent à prouver la vérité des détails contenus dans cette lettre, s’il se trouvait quelqu’un d’assez téméraire pour en douter. Voit-on jamais un innocent se dérober à la vue des honnêtes gens pour aller se cacher à l’ombre comme un bandit ? Voit-on jamais un innocent embaucher pour le suivre des vagabonds sans nom, et battre la campagne avec eux comme font les voleurs de grand chemin ? Non. Ainsi, voies de fait, rixe, vol, comment appelez-vous cela ?

— Un mensonge ! » s’écria une voix qu’on reconnut pour être