Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’étais occupé à les recevoir ; maintenant, voulez-vous que je vous y conduise ?

— Dites-moi, mon oncle, répondit Catherine un peu émue (on le serait à moins, même avec plus d’habitude du monde, au moment d’entrer dans un salon où l’on ne connaît personne, sans avoir le temps seulement de se préparer) : y a-t-il des dames ?

— Non, dit Ralph d’une voix brève, je n’en connais pas.

— Faut-il que j’entre tout de suite ? demanda Catherine, faisant un pas en arrière.

— Comme vous voudrez, dit Ralph haussant les épaules ; tout le monde est arrivé et on va annoncer que le dîner est servi, voilà tout. »

Catherine aurait bien voulu qu’on lui fît grâce encore de quelques minutes ; mais réfléchissant que son oncle pourrait bien calculer qu’en retour de l’argent qu’il avait donné pour le fiacre qui l’avait amenée, elle lui devait bien au moins de l’empressement et de l’exactitude, elle se laissa prendre le bras et conduire au salon.

Il y avait là, debout autour du feu, sept ou huit gentlemen tellement absorbés dans une conversation bruyante, qu’ils ne la virent pas même entrer, jusqu’à ce que M. Ralph Nickleby, en prenant un par la manche, lui dit d’une voix fortement accentuée, comme pour commander l’attention générale :

« Lord Frédéric Verisopht, ma nièce, Mlle Nickleby. »

Le groupe s’ouvrit avec l’apparence d’une extrême surprise, et le gentleman interpellé par M. Ralph Nickleby montra, en se retournant, une toilette des plus à la mode, une paire de favoris aussi bien taillés que ses habits, une moustache épaisse, une tête à tous crins, une figure toute jeune.

« Eh ! fit-il, que diable !… »

En poussant ces exclamations, il fixa son lorgnon à son œil et son œil sur Mlle Nickleby avec un profond étonnement.

« Ma nièce, milord, dit Ralph.

— En ce cas, mes oreilles ne m’avaient donc pas trompé. Je me croyais en face d’une figure de cire faite au moule, voulut bien dire sa seigneurie. Comment vous portez-vous, mademoiselle ? je suis charmé. » Puis il se retourna vers un autre gentleman, du meilleur genre aussi, un peu plus âgé, un peu plus fort, un peu plus haut en couleur, un peu plus roué, et lui dit à l’oreille, d’une voix très intelligible pour tout le monde, que la petite était gentille en diable !

« Présentez-moi, Nickleby, dit à son tour le gentleman qui