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charrettes pesamment chargées qui passaient dehors dans la rue, faisant trembler au dedans les ballots et les caisses, et jetant l’alarme parmi le peuple souriquois dont les yeux brillants étaient illuminés par la peur, et qui se tenait coi, l’oreille dressée, le cœur palpitant, jusqu’à ce que le terrible tonnerre eût fait entendre ses derniers roulements. Eh bien ! dans ce coin obscur, vous pouvez voir à présent, rangés avec un soin scrupuleux, tous les petits atours dont Catherine doit se parer aujourd’hui. Chaque article de sa toilette portait le cachet de gentillesse personnelle que nous attribuons volontiers aux vêtements d’une jolie femme, même lorsqu’ils sont suspendus à son portemanteau. Sommes-nous dupes en cela d’une association d’idées qui nous fait illusion, ou bien leur a-t-elle imprimé sa forme et son moule ? nous ne savons, mais ils conservent à nos yeux leur charme d’habitude. Ainsi donc, à la place d’une balle de riz moisi, se trouvait alors la fameuse robe de soie noire, encore empreinte de la taille la plus élégante. Les petits souliers, encore soulevés par l’orteil délicat qu’ils ont pressé, pèsent plus légèrement sur le sol tout à l’heure gémissant sous une masse de fer ; et la pile de cuir avarié avait, sans le savoir, pour successeur la fine paire de bas de soie noirs, si chère au cœur de Mme Nickleby. Quant aux rats et aux souris, il y avait beau jour qu’ils avaient crevé de faim ou émigré dans un nouveau monde, cédant la place à des gants, des bandeaux, des écharpes, des épingles à tête, et une foule d’autres petits affiquets, non moins ingénieux à provoquer la poursuite des hommes que les souris et les rats à s’y dérober. Puis, au milieu de tout ce petit monde de séductions, se montrait Catherine elle-même, et ce n’était pas le moins brillant des ornements inattendus qui avaient transfiguré cette vieille, triste et sombre ruine.

À l’heure dite, heure de désir ou de crainte, comme le voudra le lecteur, Catherine était prête. Car l’impatience de Mme Nickleby était en avance sur toutes les horloges de ce bout du monde. Aussi sa fille avait mis sa dernière épingle, qu’il y avait encore une grande heure et demie avant qu’elle fût obligée en conscience de commencer sa toilette. Enfin elle était donc complète en attendant l’heure, de plaisir ou d’ennui, qui finit par sonner son départ. Le porteur d’eau de la maison eut la complaisance d’aller chercher un fiacre sur la place, et Catherine y monta, après bien des adieux à sa mère, bien des messages à miss la Creevy, pour la prier de venir prendre le thé avec sa mère, et partit en grande pompe et en fiacre ; et le fiacre, et le cocher, et les che-