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effroyable énergie, je n’avais jamais été victime des viles intrigues, oui, des viles intrigues d’une créature qui nous déshonore par sa conduite, et qui, rien que d’y penser, fait monter la rougeur au front. Je devrais n’en ressentir que du dégoût ; eh bien ! c’est plus fort que moi, je ne puis m’empêcher d’y être sensible. »

Ici miss Knag retomba dans ses vapeurs, et ces demoiselles, renouvelant leurs soins délicats, recommencèrent à la supplier de se mettre au-dessus de cela ; quant à elles, elles n’avaient que du mépris pour de pareils procédés, et ne voulaient pas même leur faire l’honneur de s’en occuper davantage. Ce qui ne les empêcha pas cependant de répéter avec plus d’énergie que jamais que c’était une honte, et qu’elles en étaient si furieuses, qu’elles avaient peine à se contenir.

« Faut-il que j’aie vécu jusqu’à ce jour pour m’entendre appeler une horreur ! cria tout à coup Mlle Knag, qui, dans ses convulsions, faisait des efforts pour s’arracher… son tour de cheveux.

— Oh ! non, non, reprit le chœur, ne dites pas cela, vous nous navrez.

— Je vous le demande, ai-je mérité qu’on me traitât de vieille laideron ? » Et elle poussait des cris aigus, en se débattant entre les mains des demoiselles surnuméraires.

« N’y pensez plus, répondit le chœur.

— Eh bien ! oui, je la hais, je la déteste ! je la déteste et je la hais ! qu’elle ne s’avise plus de me dire un mot, et que pas une de celles qui m’aiment ne lui parle jamais : une coquine, une gueuse, une impudente petite gueuse ! » Après cette apostrophe vigoureuse à l’objet de son courroux, miss Knag poussa un cri, trois hoquets et je ne sais combien de glouglous du fond de la gorge, s’assoupit, frissonna, reprit ses sens, se remit, se recoiffa, et déclara qu’elle se trouvait tout à fait rétablie.

La pauvre Catherine avait d’abord regardé toutes ces grimaces d’un air effaré. Puis elle était devenue tour à tour pâle comme la mort et rouge comme le feu : elle avait même essayé deux ou trois fois d’ouvrir la bouche, pour demander des explications ; mais, en voyant se développer peu à peu les causes du changement d’humeur de miss Knag, elle se retira quelques pas en arrière et continua de rester dans un calme parfait, sans répliquer une parole. Néanmoins, tout en allant reprendre sa chaise dans le coin le plus reculé de la chambre avec un air de fierté blessée, tout en tournant le dos à ce groupe de petits satellites qui circulaient autour de l’orbite de leur planète éclipsée, elle