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vous ne regardez pas les agréments de la figure comme de trop dans notre commerce ?

— Bien loin de là, répliqua le vieux lord, ou il y a longtemps que vous auriez quitté les affaires.

— Voulez-vous vous taire, petit séducteur, dit sa future, en portant les bottes à Sa Seigneurie avec le bout de son ombrelle ; n’êtes-vous pas honteux ? »

Cette question folâtre fut accompagnée de quelques bottes nouvelles contre lesquelles le vieux lord se défendit en lui prenant l’ombrelle qu’elle voulut reprendre, mais sans succès, jusqu’à ce que l’autre demoiselle vînt à son secours, avec une foule d’autres petites gentillesses véritablement intéressantes.

« Madame Mantalini, dit-elle enfin, vous ferez faire tous les petits changements dont nous sommes convenus, n’est-ce pas ? Et vous, mauvais sujet, passez devant, je le veux positivement. Je ne vous laisserai pas seulement une demi-seconde derrière moi avec cette jolie fille. Oh ! je vous connais bien. Jeanne, ma chère, faites-le passer devant, c’est le seul moyen de nous assurer de lui. »

Le vieux lord, évidemment enchanté de ce soupçon flatteur, gratifia Catherine, en passant, de l’œillade la plus bouffonne ; mais sa scélératesse lui valut encore un autre coup d’ombrelle. Puis il descendit l’escalier d’un pas chancelant jusqu’à la porte, où le petit coquin fut hissé, à force de bras, dans sa voiture par deux laquais des plus robustes.

« Peuh ! dit Mme Mantalini ; si j’étais à sa place, je ne pourrais jamais monter dans ma voiture sans penser que je monte dans mon corbillard. Allons, ma chère, emportez tout cela, emportez. »

Catherine, qui était restée, pendant toute cette scène, les yeux modestement fixés sur le parquet, fut si charmée d’avoir la permission de se retirer, qu’elle descendit, légère et joyeuse, l’escalier de Mme Mantalini, pour rentrer sous la férule de Mlle Knag.

Mais, bon Dieu ! quel changement s’était opéré pendant cette courte absence dans le petit royaume de l’atelier ! Mlle Knag ne trônait plus à sa place, sur ce siège accoutumé où elle gardait toute la dignité et les grands airs d’une dame appelée à l’honneur de représenter Mme Mantalini. La digne demoiselle était en ce moment assise sur une grande boîte à chapeaux, le visage baigné de larmes, avec trois ou quatre de ses demoiselles empressées autour d’elle : l’une tenant à la main de la corne de cerf, l’autre lui faisant respirer du vinaigre des quatre voleurs ; d’autres encore lui présentant toutes sortes de sels salutaires,