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— Il n’y a rien, madame Mantalini, dit la future du lord, en s’étendant languissamment sur le sofa, que je déteste plus au monde que d’être servie par des horreurs et par de vieilles laiderons. Envoyez-moi toujours, je vous prie, cette jeune fille chaque fois que je viendrai.

— Oh ! j’en suis, pour la jolie fille, dit le vieux lord, la belle et charmante jeune fille, s’il vous plaît.

— On ne parle que d’elle, dit la fiancée avec le même sans-façon ; et milord, en sa qualité de grand amateur de la beauté, ne peut se dispenser de la voir.

— Il est vrai que tout le monde en fait cas, répliqua Mme Mantalini.

— Mademoiselle Knag, envoyez-nous miss Nickleby. Vous n’aurez que faire de remonter.

— Pardon, madame Mantalini, je n’ai pas bien entendu la fin, demanda Mlle Knag d’une voix tremblante.

— Vous n’aurez que faire de remonter, » répéta la maîtresse avec aigreur.

Miss Knag disparut sans demander son reste ; et l’on vit bientôt arriver à sa place Catherine, qui ôta les chapeaux neufs pour remettre les vieux, rougissant jusqu’au blanc des yeux de voir comme le vieux lord et les deux jeunes dames ne cessaient pendant tout le temps de la dévisager.

« Comment ! enfant, vous voilà toute rouge pour cela, dit la prétendue du vieux lord.

— Excusez-la, madame, dit avec un sourire gracieux Mme Mantalini ; dans une semaine ou deux elle sera moins empruntée.

— J’ai bien peur, continua la demoiselle, que ce ne soit, milord, quelqu’une de vos œillades assassines qui l’ait mise dans cet état.

— Du tout, du tout, répondit-il, du tout, du tout ; à présent que je vais me marier, je vais faire vie nouvelle, ha ! ha ! ha ! vie nouvelle, ha ! ha ! ha ! »

Le vieux gentleman avait lieu de se féliciter de ce qu’il allait faire vie nouvelle, car il était bien évident qu’il en avait besoin pour remplacer sa vieille vie qui ne pouvait plus durer longtemps. Rien que l’effort qu’il fit pour ricaner ses ha ! ha ! ha ! lui valut une quinte qui pensa le suffoquer. Il en eut pour cinq minutes avant de pouvoir reprendre sa respiration, pour faire la remarque que la petite demoiselle était trop jolie pour être modiste.

« J’espère, dit Mme Mantalini de son plus joli sourire, que