Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.

riété ! tout est dit. Elles se détesteront diablement l’une l’autre, sans compter qu’elles voudraient bien vous voir morte et enterrée. Ha ! ha ! sapristi ! »

Tout le bon sens de Mme Mantalini, qui n’en avait guère, ne put résister à ce brillant tableau de son glorieux triomphe. On entendit un petit cliquetis des clefs qu’elle portait avec elle, puis elle dit qu’elle allait voir ce qu’elle avait en caisse, elle se leva dans cette intention, ouvrit la porte et entra dans la chambre où Catherine était assise.

« Ah ! par exemple, ma chère enfant, s’écria Mme Mantalini reculant de surprise, comment êtes-vous là ?

— Une chère enfant ? cria Mantalini se précipitant sur ses pas, comment est-elle venue ? eh ! oh ! sapristi ! comment vous portez-vous ?

— Voici déjà du temps que j’attends ici, madame, dit Catherine répondant à Mme Mantalini ; il faut que le domestique ait oublié, je suppose de vous en prévenir.

— En vérité, dit Mme Mantalini s’adressant à son mari, il faut que vous avisiez à cela. Cet homme est insupportable : il oublie tout.

— Laissez faire, je veux lui arracher son diable de nez de la figure, pour lui apprendre à laisser une si jolie créature se morfondre ici toute seule, dit l’époux.

— Mantalini ! cria madame, vous vous oubliez.

— Au moins vous, ma chère, je ne vous oublie pas, je ne vous oublierai jamais, jamais, jamais, dit-il, pendant qu’il embrassait la main de sa femme, tout en faisant par derrière une grimace à l’adresse de Mlle Nickleby qui lui tourna le dos. »

Sensible à ce compliment flatteur, la reine des modes prit dans son bureau quelques billets qu’elle passa à M. Mantalini charmé de les recevoir de sa main. Elle pria ensuite Catherine de la suivre, et, après plusieurs tentatives inutiles de M. Mantalini pour attirer l’attention de Mlle Nickleby, elles sortirent ensemble, laissant là ce beau monsieur étendu de tout son long sur le sofa, les pieds en l’air et un journal à la main.

Mme Mantalini conduisit Catherine à l’étage inférieur ; puis, traversant un corridor, elle entra dans une grande pièce sur le derrière, où l’on voyait un assortiment nombreux de jeunes femmes occupées à coudre, à couper, à tailler, à ajuster, à une foule de détails enfin qui ne sont guère connus que des vrais amateurs de l’art des modes et de la couture. C’était une chambre où l’on étouffait, sans autre jour que celui d’un châssis