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elle frappa un coup timide à la porte. La porte fut ouverte par le valet de chambre qui n’avait pris que le temps d’endosser, en montant l’escalier, sa veste bariolée de grandes raies, et qui, en la recevant, rattachait son tablier.

« Mme Mantalini est-elle ici ? demanda Catherine intimidée.

— Il est rare qu’elle soit sortie à cette heure-ci, mademoiselle, répondit l’homme d’un ton qui rendait son mademoiselle plus offensant peut-être que s’il s’était méconnu jusqu’à l’appeler ma chère.

— Puis-je la voir ? demanda Catherine.

— Eh ! mon Dieu non, répliqua le valet tenant toujours la porte et faisant à la visiteuse l’honneur de la regarder fixement avec un ricanement secret.

— Cependant elle m’avait donné rendez-vous, dit Catherine ; je viens pour… pour… travailler chez elle.

— Oh ! alors, vous auriez dû tirer la sonnette de l’atelier, dit le valet de chambre mettant la main sur la poignée d’une sonnette de la porte particulière. Voyons pourtant, j’allais oublier : Mademoiselle Nickleby, n’est-ce pas ?

— Elle-même, répondit Catherine.

— En ce cas, veuillez monter en haut de l’escalier, Mme Mantalini désire vous voir ; par ici. Prenez garde de marcher sur toutes ces affaires qui sont par terre. »

En lui donnant ce conseil, il parlait dans l’intérêt d’un amas hétérogène de plateaux de pâtissier, de lampes, de cabarets garnis de verres, de banquettes à rouet, épars çà et là dans la salle, restes confus d’une soirée de la veille. Il lui montra donc le chemin avec précaution pour monter au second étage, et introduisit Catherine dans une chambre de derrière, communiquant, par une porte à double battant, avec l’appartement où elle avait vu pour la première fois la maîtresse de l’établissement.

« Si vous voulez attendre ici une minute, dit-il, je vais vous annoncer tout de suite. »

Il fit cette promesse de l’air le plus affable, puis il se retira, laissant Catherine toute seule. Il n’y avait pas beaucoup de quoi se distraire dans cette pièce. Elle avait seulement pour principale décoration un portrait en buste demi-nature de M. Mantalini, que l’artiste avait représenté se grattant la tête sans cérémonie, et profitant de cette occasion pour montrer, à son avantage, un brillant qu’il avait reçu des mains de Mme Mantalini, avant son mariage. Cependant on était récréé par le bruit d’un dialogue dans la chambre voisine, et, comme la conversation se faisait à haute voix et que la cloison était mince, Catherine put,