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le livre et donna pour commencer quelques explications préliminaires. Miss Petowker et Mme Kenwigs ouvraient leurs oreilles toutes grandes dans une admiration silencieuse, interrompue seulement à voix basse par la mère, qui assurait à sa belle amie que Morleena ne tarderait pas à savoir tout cela par cœur. Quant à M. Lillyvick, il contemplait le groupe d’un air maussade, quoique d’un œil attentif, car il épiait une occasion de recommencer quelque attaque nouvelle contre la langue qui n’avait pas ses sympathies.


CHAPITRE XVII.

Suite des mésaventures de Mlle Nickleby.

Catherine Nickleby avait le cœur bien gros, et de tristes pressentiments venaient l’assaillir sans qu’elle pût les vaincre, le matin du jour convenu pour son entrée chez Mme Mantalini. Les horloges de la cité sonnaient juste huit heures moins un quart lorsqu’elle sortit de chez elle pour traverser seule ces rues animées et bruyantes et pour gagner le quartier de West-End, à l’autre bout de Londres.

C’est l’heure matinale où l’on voit un grand nombre de jeunes filles maladives dont la vie de ver à soie se passe à produire, à force de patience et de travail, les riches tissus destinés à couvrir les belles indolentes, les reines de la mode et du luxe, aller à travers les rues retrouver le théâtre obligé de leurs occupations journalières, heureuses d’attraper à la volée, dans leur marche précipitée, la seule bouffée d’air salubre, le seul rayon de soleil qui égayent leur monotone existence pendant les mortelles heures de leur longue journée. À mesure qu’elle approchait du quartier élégant de Londres, Catherine en vit passer beaucoup auprès d’elle, de ces jeunes filles qui couraient comme elle reprendre leur ouvrage pénible ; et leurs visages flétris, leur démarche énervée ne lui disaient que trop que ses pressentiments n’étaient pas mal fondés.

Elle arriva chez Mme Mantalini quelques minutes avant l’heure indiquée, et, après avoir fait quelques pas, en long et en large, dans l’espoir de rencontrer quelque autre femme qui lui épargnerait l’embarras de donner des explications au domestique,